eface de M. Littre au
premier de ces deux ouvrages. Si j'avais lu cette preface plus tot,
j'aurais mieux lu M. Renan.
Votre jugement, a vous, est meilleur que le mien; je vous ai toujours
dit que vous etiez un tres grand esprit qui ne tire pas parti de
lui-meme. Vous ne voulez pas me croire, vous pourriez faire tout ce que
vous voudriez; mais vous etes paresseux et prince, quel dommage!
Je ne vous trouve pas reveur, loin de la; vous etes plus dans le _vrai
total_, que M. Renan, M. Littre et Sainte-Beuve. Ils ont verse dans
l'orniere allemande.. La est leur faiblesse. Ils ont plus de talent et
plus de genie que tous les Allemands modernes, et, en outre, ils sont
Francais. Ils sont Francais, c'est-a-dire qu'ils ont de l'esprit et
qu'ils sont artistes. Cette fantaisie de detruire l'immortalite de
l'ame, la veritable et progressive persistance du _moi_ est un peche de
lese-philosophie francaise. Pour conserver tout ce que la foi a de pur
et de sublime, il faut le talent, le coeur et l'esprit francais. Les
Allemands sont trop betes pour croire a autre chose qu'au materialisme;
je regrette de voir leur influence sur ces beaux et grands esprits dont
la France serait encore plus fiere s'ils etaient plus chauds et plus
hardis.
Ah! si j'etais homme, si j'avais votre capacite, votre temps, vos
livres, votre age, votre liberte, je voudrais faire une belle campagne,
non pas _contre_ ces grands esprits dont nous parlons: je les aime et
je les admire trop pour cela; mais, _a cote d'eux,_ puisant en eux
les trois quarts de ma force, et en moi, dans mon sentiment de
_l'imperissable_, la conclusion qui repondrait au coeur.
Non, la conclusion, de MM. Renan et Littre ne suffit pas. Ressusciter
dans la posterite par la gloire, n'est pas une idee aussi desinteressee
qu'ils le disent. Leur devise est belle: "Travailler sans espoir de
recompense; la recompense est dans le bien qu'on fait."
Oui, a condition qu'on pourra le faire toujours et le recommencer
eternellement; le faire pendant une cinquantaine d'annees, c'est se
contenter de trop peu, c'est se contenter d'un devoir trop vite fait.
Et puis, le spectacle et le sens du vrai et du beau est trop grand
pour qu'une vie suffise a le contempler et a le savourer. Ce defaut de
proportion serait un manque d'equilibre inadmissible.
Oui, j'irai a Paris pour quelques jours seulement. Mais, _entre nous_,
je m'occupe d'arranger ma vie pour etre un peu plus libre. Me voila dans
ma soixanti
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