monie une
ampleur inaccoutumee, tant par le nombre des victimes--sept: autant de
condamnes qu'il y avait de jours dans la semaine--que par le faste du
ceremonial.
Aussi, le Torero croisait-il une foule de gens endimanches qui, tous, se
hataient vers la place San Francisco, theatre ordinaire de toutes les
rejouissances publiques. Nous disons rejouissances, et c'est a dessein.
En effet, non seulement les autodafes constituaient a peu pres les
seules rejouissances offertes au peuple, mais encore on etait arrive a
le persuader qu'en assistant a ces sauvages hecatombes humaines, en se
rejouissant de la mort des malheureuses victimes, il travaillait a son
salut.
Parmi la foule de gens presses d'aller occuper les meilleures places,
il s'en trouvait qui, reconnaissant don Cesar, le designaient a leurs
voisins en murmurant sur un mode admiratif:
"El Torero! El Torero!"
Quelques-uns le saluaient avec deference. Il rendait les saluts et les
sourires d'un air distrait et continuait hativement sa route.
Enfin, il penetra dans la maison des Cypres, franchit le perron et se
trouva dans ce vestibule qu'il avait a peine regarde la nuit meme, alors
qu'il etait a la recherche de la Giralda et de Pardaillan.
Comme il n'avait pas les preoccupations de la veille, il fut ebloui par
les splendeurs entassees dans cette piece. Mais il se garda bien de rien
laisser paraitre de ces impressions, car quatre grands escogriffes de
laquais, chamarres d'or sur toutes les coutures, se tenaient raides
comme des statues et le devisageaient d'un air a la fois respectueux et
arrogant.
Toutefois, sans se laisser intimider par la valetaille, il commanda,
sur un ton qui n'admettait pas de resistance, au premier venu de ces
escogriffes, d'aller demander a sa maitresse si elle consentait a
recevoir don Cesar, gentilhomme castillan.
Sans hesiter, le laquais repondit avec deference:
--Sa Seigneurie l'illustre princesse Fausta, ma maitresse, n'est pas en
ce moment a sa maison de campagne.
--Bon! pensa le Torero, cette illustre princesse s'appelle Fausta. C'est
toujours un renseignement.
Et, tout haut:
--J'ai besoin de voir la princesse Fausta pour une affaire du plus haut
interet et qui ne souffre aucun retard. Veuillez me dire ou je pourrai
la rencontrer.
Le laquais reflechit une seconde et:
--Si le seigneur don Cesar veut bien me suivre, j'aurai l'honneur de le
conduire aupres de M. l'Intendant qui pourra peut-etre le renseigner.
|