voir le pere dans la personne du roi. Le
pere n'existe pas. L'ennemi seul reste: c'est lui seul que vous devez
voir, c'est lui seul que vous devez combattre.
Le Torero demeura un moment songeur et, redressant le front, il dit
douloureusement:
--Je sens que ce que vous dites est juste. Cependant j'ai peine a
l'accepter.
Fausta se fit glaciale.
--Entendez-vous par la, dit-elle, que vous renoncez a vous defendre et
que vous consentez a tendre benevolement le cou pour mieux recevoir la
mort?
Le Torero reflechit un long moment pendant lequel Fausta l'examina avec
une anxiete qu'elle ne pouvait surmonter. Enfin il se decida.
--Vous avez cent fois raison, madame, dit-il, d'une voix sourde. J'ai
droit a la vie, comme tout le monde. Je me defendrai donc coute que
coute.
Fausta le vit bien decide cette fois. Elle se hata de reprendre:
--Prenez les devants. Le roi craint qu'un facheux hasard ne fasse
connaitre votre naissance. Proclamez-la vous-meme, hautement. Je vous
remettrai les preuves irrefutables de cette naissance. Ces preuves,
etalez-les au grand jour. Il faut que, dans quelques jours, tout le
royaume sache que vous etes l'heritier legitime de la couronne. Il faut
que l'on connaisse l'odieuse conduite du roi envers votre sainte mere
et envers vous. Quand on saura tout cela, il s'elevera un tel cri de
reprobation unanime contre votre bourreau qu'il tremblera sur son trone.
Voila comment vous pouvez le frapper, rudement, croyez-le.
--C'est vrai, madame. Aussi ferai-je comme vous dites. Mais laissez-moi
vous dire que vous vous trompez quand vous dites que je vous ai crue
capable de me conseiller un assassinat. Il faudrait etre aveugle pour
ne pas voir qu'un front aussi pur que le votre ne peut receler que des
pensees nobles et pures.
Fausta daigna sourire.
--Vous pensez donc, madame, que j'echapperai a la haine mortelle du roi
en proclamant moi-meme ma naissance?
--Sans doute. Le roi n'osera plus vous faire assassiner. La verite etant
connue de tous, votre meurtrier serait incontinent designe par tous. Si
puissant, si orgueilleux qu'il soit, le roi reculera devant un tel defi
jete a la fureur de tout un peuple. Il lui restera la ressource de
vous traduire devant un tribunal. La, vous reclamerez hardiment la
reconnaissance publique de tous vos droits. Et, soyez tranquille, les
preuves que vous fournirez seront telles que le roi devra s'incliner.
Vous serez proclame, c'est votre droit, heritier de l
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