erocite.
Fausta sourit encore d'un sourire enigmatique qui ne disait ni oui ni
non.
--C'est toute une histoire mysterieuse et lamentable qu'il me faut vous
conter, dit-elle, apres un leger silence. Vous en avez entendu parler
vaguement, sans doute. Nul ne sait la verite exacte, et nul, s'il
savait, n'oserait parler. Il s'agit du premier fils du roi, votre frere,
de celui qui serait l'heritier du trone a votre place, s'il n'etait pas
mort a la fleur de l'age.
--L'infant Carlos! s'exclama le Torero.
--Lui-meme, dit Fausta. Ecoutez donc.
Alors, cette terrible histoire de son vrai pere, Fausta se mit a la lui
raconter, en l'arrangeant a sa maniere, en brouillant la verite avec le
mensonge, de telle sorte qu'il eut fallu la connaitre a fond pour s'y
reconnaitre.
Elle la raconta avec une minutie de details, avec des precisions qui
ne pouvaient ne pas frapper vivement l'esprit de celui a qui elle
s'adressait, et ceci d'autant plus que certains de ces details
correspondaient a certains souvenirs d'enfance du Torero, expliquaient
lumineusement certains faits qui lui avaient paru jusque-la
incomprehensibles, corroboraient certaines paroles surprises par lui.
Et, toujours, tout au long de cette histoire, elle faisait ressortir
avec un relief saisissant le role odieux du roi, du pere, de l'epoux,
cela sans insister, en ayant l'air de l'excuser et de le defendre. En
meme temps, la figure de la reine se detachait, douce, victime resignee
jusqu'a la mort d'un implacable bourreau.
Quand le recit fut termine, il etait convaincu de la legitimite de
sa naissance, il etait convaincu de l'innocence de sa mere, il etait
convaincu de son long martyre. En meme temps, il sentait gronder en
lui une haine furieuse contre le bourreau qui, apres avoir assassine
lentement la mere, voulait a tout prix supprimer l'enfant devenu un
homme. Et il se sentait anime d'un desir ardent de vengeance.
Quand elle eut donc termine son recit, Fausta vit le jeune homme dans
l'etat d'exasperation ou elle le voulait; elle attaqua resolument, selon
sa coutume:
--Vous m'avez demande, monseigneur, pourquoi je m'etais interessee a
vous sans vous connaitre. Et je vous ai dit que j'avais repondu a un
sentiment d'humanite fort comprehensible. J'ai ajoute que, depuis que
je vous avais vu, ce sentiment avait fait place a une sympathie qui
s'accroit de plus en plus, au fur et a mesure que je vous penetre
davantage. Chez moi, mon prince, la sympathie n'es
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