le Torero. Neanmoins il ne se rendit pas sur-le-champ.
--Pour quel crime me condamnerait-on? fit-il.
Fausta etendit la main vers le balcon, et designant le bucher que les
lourds rideaux derobaient a leur vue:
--Le meme crime de ce malheureux que vous avez entendu clamer son
innocence.
Si brave que fut le Torero, il sentit la terreur se glisser
sournoisement en lui et c'etait ce que voulait Fausta.
--Eh bien, soit, fit-il apres une legere hesitation, je fuirai. Je
quitterai l'Espagne.
Fausta sourit.
--Essayez de franchir une des portes de la ville, dit-elle.
--J'ai des amis, je puis m'assurer les services de quelques braves
resolus a tout, pourvu qu'on y mette le prix. Je passerai de force.
--Il vous faudra donc, dit tranquillement Fausta, engager une armee
entiere, car vous vous heurterez, vous, a une armee, a dix armees s'il
le faut.
Le Torero la considera un instant. Il vit qu'elle ne plaisantait pas,
qu'elle etait sincerement convaincue que le roi ne reculerait devant
rien pour le faire disparaitre. A son tour, il eut la perception tres
nette que sa vie, comme elle le disait, ne tenait qu'a un fil. En meme
temps, il comprit que la lutte etait impossible. Machinalement, il
demanda:
--Que faire alors?
Cette question, Fausta l'attendait. Elle avait tout dit pour la lui
arracher.
Tres calme, elle reprit:
--Avant de vous repondre, laissez-moi vous poser une question:
Voulez-vous vivre?
--Si je le veux! Mordieu! madame, j'ai vingt ans! A cet age, on trouve
la vie assez bonne pour y tenir!
--Etes-vous resolu a vous defendre?
--N'en doutez pas, madame.
--Encore faudrait-il savoir jusqu'a quel point?
--Par tous les moyens, madame.
--S'il en est ainsi, si vous m'ecoutez, peut-etre reussirai-je a vous
sauver.
--Mais vous ne vous sauverez qu'en frappant votre ennemi avant qu'il ne
vous ait mis a mal.
Ceci fut dit avec ce calme glacial que prenait Fausta en certaines
circonstances. Il semblait qu'elle avait dit la chose la plus simple, la
plus naturelle du monde. Malgre ce calme effroyable, elle apprehendait
vivement l'effet de ses paroles, et ce n'etait pas sans anxiete qu'elle
observait le jeune homme.
Le Torero, a cette proposition inattendue, s'etait dresse brusquement,
et, livide, tremblant, il s'exclamait:
--Tuer le roi!... tuer mon pere!... Vous n'y pensez pas, madame... Vous
voulez m'eprouver sans doute?
--Je croyais, dit Fausta avec un leger dedain, que vous e
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