it l'age de raisonner, don Cesar,
trompe par des recits--probablement interesses--ou la fiction cotoyait
dangereusement la verite, don Cesar s'etait complu a dresser, dans son
coeur, un autel a la veneration paternelle. Ce pere, qu'il n'avait
jamais connu, il le voyait grand, noble, genereux, il le parait des
qualites les plus sublimes, il lui apparaissait tel qu'un dieu.
Ceci, c'etait le plus affreux. Tellement affreux que cela ne lui
paraissait pas croyable.
Il se disait:
"J'ai mal entendu... je suis fou. Le roi n'est pas mon pere... il ne
peut pas etre mon pere puisque... je sens que je le hais toujours!...
Non, non, mon pere est mort!..."
Mais Fausta avait ete trop energiquement affirmative. Il n'y avait pas
a douter: c'etait bien cela, le roi etait bien son pere. Alors, il se
raccrochait desesperement a son ideal renverse, il cherchait des excuses
a cet homme qu'on lui designait pour son pere. Il se disait que, sans
doute, il l'avait mal juge, et il fouillait furieusement les actes
connus du roi pour y decouvrir quelque chose, susceptible de le grandir
a ses yeux.
Et, desespere, s'accablant d'injures et d'anathemes, il constatait qu'il
ne trouvait rien. Et, dans une revolte de tout son etre, il se disait:
"C'est mon pere, pourtant! C'est mon pere! Est-il possible qu'un fils
haisse son pere? N'est-ce pas plutot moi qui suis un monstre denature?"
Alors, sa pensee bifurqua: il pensa a sa mere.
On ne lui en avait parle que fort peu. Pour cette raison, ou pour toute
autre que nous ignorons, sa mere n'avait jamais occupe dans son coeur
la place qu'y avait eue son pere. Pourquoi? Qui peut savoir? Certes, il
avait pense a elle souvent, chaque jour. Mais la premiere place avait
toujours ete pour son pere. Et voici que, par un de ces revirements
qu'il ne cherchait pas a s'expliquer, tout d'un coup, la mere detronait
le pere et prenait sa place.
Et ceci, c'etait le chef-d'oeuvre de Fausta, qui avait savamment souffle
la haine dans son coeur, la haine contre son pere, et qui, soudain, pour
excuser cette haine monstrueuse, pour la justifier, pour la rendre plus
profonde, plus tenace, pour la sanctifier, en quelque sorte, avait fait
intervenir sa mere.
Maintenant, le Torero, ballotte, dechire entre ces sentiments divers,
n'etait plus qu'une loque humaine dont elle pourrait disposer a sa
guise.
Le plus fort etait fait, le reste ne serait qu'un jeu. Le Torero, le
fils du roi, etait a elle, elle n'avait qu'
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