vous etes l'homme que j'estime le plus au monde. Je vous
considere comme un frere aine que j'aime et que j'admire. Je ne veux
avoir rien de cache pour vous. Or, vous qui m'avez temoigne estime et
confiance, apprenez a me connaitre et sachez que j'ai commis cette
mauvaise action de songer a accepter.
--Bah! fit Pardaillan avec son sourire aigu, une couronne est bonne a
prendre.
--Je vous comprends. Quoi qu'il en soit, on m'avait presente les
choses de telle maniere, je crois. Dieu me pardonne, que la raison
m'abandonnait: j'etais comme ivre, ivre d'orgueil, ivre d'ambition.
J'etais sur le point d'accepter. Heureusement pour moi, la princesse a
ce moment m'a fait une derniere proposition, ou, pour mieux dire, m'a
pose une derniere condition.
--Voyons la condition, dit Pardaillan, qui se doutait bien de quoi il
retournait.
--La princesse m'a offert de partager ma fortune, ma gloire, mes
conquetes en devenant ma femme.
--He! vous ne seriez pas si a plaindre, persifla Pardaillan. On vous
offre la fortune, un trone, la gloire, des conquetes prodigieuses, et,
comme si cela ne suffisait pas, on y ajoute l'amour sous les traits de
la femme la plus belle qui soit, et vous vous plaignez. J'espere bien
que vous n'avez pas commis l'insigne folie de refuser des offres aussi
merveilleuses.
--Ne raillez pas, chevalier, c'est cette derniere proposition qui m'a
sauve. J'ai songe a ma petite Giralda qui m'a aime de tout son coeur
alors que je n'etais qu'un pauvre aventurier. J'ai compris qu'on la
menacait, oh! d'une maniere detournee. J'ai compris qu'en tout cas elle
serait la premiere victime de ma lachete, et que, pour me hausser a ce
trone, avec lequel on me fascinait, il me faudrait monter sur le cadavre
de l'innocente amoureuse sacrifiee. Et j'ai ete, je vous jure, bien
honteux.
"Amour, amour, songea Pardaillan, qu'on aille, apres celle-la, nier ta
puissance!"
Et tout haut, d'un air railleur:
--Allons, bon! Vous avez fait la folie de refuser.
--Je n'ai pas eu le temps de refuser.
--Tout n'est pas perdu alors, dit Pardaillan, de plus en plus railleur.
--La princesse ne m'a pas laisse parler. Elle a exige que ma reponse fut
renvoyee a apres-demain.
--Pourquoi ce delai? fit Pardaillan en dressant l'oreille.
--Elle pretend que demain se passeront des evenements qui influeront sur
ma decision.
--Ah! quels evenements?
--La princesse a formellement refuse de s'expliquer sur ce point.
On remarquera qu
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