s
non plus. Elle dit toujours les choses telles qu'elle les voit a son
point de vue... Ce n'est point sa faute si ce point de vue ne correspond
pas toujours a la verite exacte.
Le Torero comprit qu'il ne lui serait pas facile de se faire une opinion
exacte tant qu'il s'obstinerait a proceder par questions directes. Il
jugea que le mieux etait de conter point par point les differentes
parties de son entrevue.
--Mme Fausta, dit-il, m'a dit une chose inconcevable, incroyable.
Tenez-vous bien, chevalier, vous allez etre etonne. Elle pretend que je
suis... fils de roi!
Pardaillan ne parut nullement etonne.
--Pourquoi pas, don Cesar? J'ai toujours pense que vous deviez etre de
tres illustre famille. On sent qu'il y a de la race en vous, et, malgre
la modestie de votre position, vous fleurez le grand seigneur d'une
lieue.
--Grand seigneur, tant que vous voudrez, chevalier; mais de la a etre de
sang royal, et, qui mieux est, heritier d'un trone, le trone d'Espagne,
avouez qu'il y a loin.
--Je ne dis pas non. Cela ne me parait pas impossible pourtant, et
j'avoue, quant a moi, que vous feriez figure de roi autrement noble
et impressionnante que celle de ce vieux podagre qui regne sur les
Espagnes.
--Vous ajouteriez foi a de pareilles billevesees?
--Pourquoi pas?
Et, avec une intonation etrange, le chevalier ajouta:
--N'avez-vous pas ajoute foi a ces billevesees, comme vous dites?
--Oui, dit franchement le Torero. J'avoue que j'ai eu un instant de
sotte vanite et que je me suis cru fils de roi. Mais j'ai reflechi
depuis, et maintenant...
--Maintenant? fit Pardaillan, dont l'oeil petilla.
--Je comprends l'absurdite d'une pareille assertion.
--Je confesse que je ne vois rien d'absurde la.
--Peut-etre auriez-vous raison en ce qui concerne la pretention
elle-meme. Ce qui la rend absurde a mes yeux, ce sont les circonstances
anormales qui l'accompagnent.
--Expliquez-vous.
--Voyons, est-il admissible que, fils legitime du roi et d'une mere
irreprochable, j'aie ete poursuivi par la haine aveugle de mon pere?
Qu'on en ait ete reduit, pour sauver les jours menaces de l'enfant, a
l'enlever, le cacher, l'elever--si on peut dire, car, en resume, je me
suis eleve tout seul--obscur, pauvre, desherite?
--Cela peut paraitre etrange. Mais, etant donne le caractere feroce,
ombrageux a l'exces du roi Philippe, je ne vois, pour ma part, rien de
tout a fait impossible a ce qui peut paraitre un roman.
Le To
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