ire quelque peu dedaigneux.
--Si je suis trop souveraine, selon vous, vous ne l'etes pas assez de
votre cote. Vous n'etes plus un homme: vous etes un roi. Il faut vous
habituer a voir et a penser en roi. Auriez-vous commis cette erreur
extravagante de penser qu'il pouvait etre question d'amour entre nous?
Je ne veux pas le croire. Je suis et je dois rester souveraine avant
d'etre femme, de meme que l'homme doit s'effacer en vous devant le
souverain.
Le Torero hocha la tete d'un air peu convaincu:
--Ces sentiments vous sont naturels a vous qui etes nee souveraine et
avez vecu en souveraine. Mais moi, madame, je suis un simple mortel, et,
si mon coeur parle, j'ecoute ce qu'il me dit.
Audacieusement, elle dit:
--Et votre coeur est pris.
Tres simplement, en la regardant en face sans provocation, mais avec
fermete, il repondit en s'inclinant tres bas:
--Oui, madame.
-Je le savais, monsieur. Cela ne m'a pas retenue un seul instant.
L'offre de ma main que je vous ai faite, je la maintiens.
--C'est que vous ne me connaissez pas, madame. Lorsque mon coeur s'est
donne une fois, il ne se reprend plus.
Fausta haussa dedaigneusement les epaules.
--Le roi, dit-elle, oubliera les amours de l'aventurier. Il ne saurait
en etre autrement.
Et, sans lui laisser le temps de placer un mot, elle se leva et, plus
doucement:
--Allez, prince, et revenez apres-demain. Ne parlez pas, vous dis-je.
J'attends votre retour avec confiance. Votre reponse ne peut pas ne pas
etre conforme a mes desirs. Allez.
Et, d'un geste doux et imperieux a la fois, elle le congedia sans qu'il
eut pu dire ce qu'il avait a dire:
Le Torero parti, Fausta reflechit longuement. Elle avait tres bien
compris ce qui s'etait passe dans l'esprit du Torero. Elle avait vu
dans son esprit que, si elle le laissait parler, il allait proclamer
hautement son amour pour la petite bohemienne: mis en demeure de choisir
entre l'amour et la couronne qu'elle lui faisait entrevoir, le prince,
sans hesiter, eut refuse la couronne pour conserver son amour. Fausta
avait senti cela, et c'est en pensant a cela qu'elle avait dit:
"N'accomplissez pas l'irreparable."
Elle restait a sa place, tres soucieuse. L'entrevue n'avait pas tourne
au gre de ses desirs. Le prince lui echappait. Tout n'etait pas perdu
cependant. Le seul obstacle venait de la Giralda: elle supprimerait
l'obstacle. La Giralda morte, disparue, enlevee, elle ne doutait pas
qu'il ne vint a elle, s
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