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ants dans ce pays que partout ailleurs. Si
vous avez du genie, vous etes condamne quand meme a vegeter, obscur
et inconnu: votre naissance vous interdit d'aspirer aux honneurs, aux
emplois publics. Ce que je vous dis la est-il vrai?
--Tres vrai, madame. Mais je ne desire ni la gloire ni les honneurs. Mon
obscurite ne me pese pas, et, quant a la pauvrete, elle m'est legere. Au
reste, vous savez peut-etre que, si je voulais accepter tous les
dons que les nobles amateurs de corridas jettent dans l'arene a mon
intention, je pourrais etre riche.
--Je sais, dit gravement Fausta. On dit de vous: brave comme le Torero.
On dit aussi: genereux comme le Torero. Cependant, maintenant que
vous savez que vous etes issu de sang royal, vous ne pouvez continuer
l'humble et obscure existence qui fut la votre jusqu'a ce jour.
--Pourquoi, madame? fit naivement le Torero. Cette existence a son
charme, et je ne vois pas pourquoi je la changerais.
Fausta eut un imperceptible froncement de sourcils. Ces paroles
denotaient un manque d'ambition qui contrariait ses projets.
--Vous oubliez, dit-elle simplement, qu'il ne vous est pas permis de
vivre, meme obscur, pauvre, ignore, denue de biens et d'ambition. Vous
oubliez que demain, quand vous paraitrez dans l'arene, vous serez
miserablement assassine, et que rien, rien ne pourra vous sauver... si
je vous abandonne.
Le Torero eut un sourire de defi.
--Je vous entends, traduisit Fausta, vous voulez dire que vous ne vous
laisserez pas egorger comme mouton a l'abattoir.
--C'est bien cela, madame.
--Vous oubliez encore que celui qui veut votre mort detient la puissance
supreme, vous oubliez que, celui-la, c'est le roi. Pensez-vous qu'il
s'arretera a des demi-mesures et se contentera de lacher sur vous
quelques miserables coupe-jarrets? Vous souriez encore et je vous
comprends. Vous vous dites que vous trouverez quelques hardis compagnons
qui n'hesiteront pas a tirer l'epee pour votre defense. Insense que vous
etes! Sachez donc, puisqu'il faut tout vous dire, que demain une armee
sera sur pied a votre intention. Demain des milliers d'hommes d'armes,
avec arquebuses et canons, tiendront la ville sous la menace. On espere,
on compte qu'un incident surgira qui permettra de charger la canaille.
Vous serez frappe le premier et votre mort paraitra accidentelle, Je
vous dis que vous etes condamne irremediablement.
Ces paroles, prononcees avec une violence croissante, firent impression
sur
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