nna le Torero. Pour que mon pere
veuille ma mort, il faut donc que je sois quelque batard... Il faut donc
que ma mere...
--Arretez! gronda Fausta en se redressant, fremissante. Vous
blasphemez!... Sachez, malheureux, que votre mere fut toujours epouse
chaste et irreprochable! Votre mere, que vous alliez maudire dans un
moment d'egarement que je comprends, votre mere est morte martyre... et
son bourreau, son assassin, pourrais-je dire, fut precisement celui qui
vous repoussa, qui vous veut la malemort aujourd'hui qu'il vous sait
vivant, apres vous avoir cru mort durant de longues annees. L'assassin
de votre mere, c'est celui qui vous veut assassiner aussi: c'est votre
pere!
--Horreur! Mais si je ne suis pas un batard...
--Vous etes un enfant legitime, interrompit Fausta avec force. Je vous
en fournirai les preuves... quand l'heure sera venue.
Et, tranquillement, elle reprit place dans son fauteuil.
Lui, cependant, a moitie fou de douleur et de honte, clamait
douloureusement:
--S'il en est ainsi, c'est donc que mon pere est un monstre sanguinaire,
un fou furieux!
--Vous l'avez dit, fit froidement Fausta.
--Et ma mere?... ma pauvre mere? sanglota le Torero.
--Votre mere fut une sainte.
--Ma mere! repeta le Torero, avec une douceur infinie.
--On venge les morts, avant de les pleurer! insinua insidieusement
Fausta.
Le Torero se redressa, etincelant, et, d'une voix furieuse:
--Vengeance! oh! oui! vengeance! Mais devrai-je donc frapper mon pere
pour venger ma mere?... C'est impossible!
Fausta eut un sourire sinistre qu'il ne vit pas. Elle etait patiente,
Fausta; c'etait ce qui la faisait si forte et si redoutable. Elle
n'insista pas. Elle venait de semer la graine de mort, il fallait la
laisser germer.
--Avant de venger votre mere, il faut vous defendre vous-meme. N'oubliez
pas que vous etes menace.
--Mon pere est donc un bien puissant personnage?
--Puissant au-dessus de tout.
Dans l'etat d'esprit ou il se trouvait, le Torero n'attacha qu'une
mediocre importance a ces paroles.
--Madame, dit-il en regardant Fausta en face, j'ignore a quel mobile
vous obeissez en me disant les choses terribles que vous venez de me
devoiler.
--Je vous l'ai dit, monsieur, j'ai obei d'abord a un simple sentiment
d'humanite. Depuis que je vous ai vu, je n'ai pas de raison de vous
cacher que vous m'avez ete sympathique. C'est a cette sympathie,
desinteressee, croyez-le, que vous devez le vif interet que
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