acile;
augmentation d'embarras de ma part, et tout ce que je pus faire, fut
de marmoter entre mes dents un mauvais compliment qu'elle n'entendit
pas. Cependant Rosebelle sourioit d'un air malin, et le Prince
Zazaraph gardoit moins de mesures. Rigriche s'en appercut, et voyant
que je ne marquois de mon cote aucune disposition a reparer ma
faute, elle fit bien-tot succeder aux douceurs des injures si
atroces, que je n'eus d'autre parti a prendre que de lui ceder la
place. Elle se retira a son tour, le coeur gonfle de depit; et comme
je n'y scavois point de remede, nous oubliames sans peine cette
scene comique, pour nous disposer a partir tous ensemble le
lendemain. Je temoignai sur cela quelque inquietude, parce que je
n'avois point d'equippage; mais le prince m'assura que je ne devois
pas m'en mettre en peine, parce que c'etoit l'usage de la Romancie,
de fournir gratuitement aux princes qui y avoient habite, tout ce
qui leur etoit necessaire en ces occasions, et que j'aurois lieu
d'etre satisfait. En effet, nous etant leves le lendemain avec
l'aurore, nous trouvames des equipages tout prets, et tels que la
Romancie seule en peut fournir.
CONCLUSION
Catastrophe lamentable.
O que les choses humaines sont sujetes a d'etranges vicissitudes!
Nous etions le grand paladin et moi deux grands princes, fameux
heros, montes sur deux superbes palefrois. Des brides d'or, des
selles et des housses ornees de perles et de diamans relevoient la
magnificence de notre train. Les harnois de notre equipage n'etoient
gueres moins riches. L'or, l'argent et les pierreries y brilloient
de toutes parts, et repondoient a la richesse de nos livrees. Tous
nos officiers se faisoient sur tout remarquer par leur bonne mine,
et se seroient meme fait admirer, si l'avantage que nous donnoit
notre air noble et gracieux n'avoit attire sur nous tous les
regards. Nous marchions ensemble aux deux cotes d'une magnifique
caleche, dont la richesse effacoit tout ce qu'on peut imaginer de
plus beau. Quatre colonnes d'or autour desquelles on voyoit ramper
une vigne d'emeraude, dont les grappes etoient de rubis et de
saphirs, soutenoient l'imperiale, et l'imperiale elle-meme etoit si
belle, qu'elle faisoit honte au firmament. Dans le fond d'un si beau
char brilloient nos deux princesses pour le moins autant que deux
des plus beaux astres du ciel; l'eclat de leur beaute releve par un
air de satisfaction qui animoit leurs beaux yeux, ebloueissoit tout
le mon
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