revolutionnaire, etaient pres d'en venir aux mains. Bonaparte commanda
au general Kilmaine d'observer la plus exacte neutralite, et se mit en
marche pour executer ses vastes projets. Il publia, suivant son usage,
une proclamation energique et capable d'augmenter encore l'exaltation de
ses soldats, si elle avait pu l'etre. Le 20 ventose an V (10 mars 1797),
par un froid rigoureux et plusieurs pieds de neige sur les montagnes, il
mit toute sa ligne en mouvement. Massena commenca son operation sur
le corps du centre, le poussa sur Feltre, Bellune, Cadore, lui fit un
millier de prisonniers, au nombre desquels etait encore le general
Lusignan, se rabattit sur Spilimbergo, et s'engagea dans les gorges de
Ponteba, qui precedent le col de Tarwis. Bonaparte s'avanca avec trois
divisions sur la Piave: la division Serrurier qui s'etait illustree
devant Mantoue, la division Augereau, actuellement confiee au general
Guyeux, en l'absence d'Augereau qui etait alle porter des drapeaux
a Paris, et la division Bernadotte arrivee du Rhin. Cette derniere
contrastait, par sa simplicite et sa tenue severe, avec la vieille armee
d'Italie, enrichie dans les belles plaines qu'elle avait conquises, et
composee de meridionaux braves, fougueux et intemperans. Les soldats
d'Italie, fiers de leurs victoires, se moquaient des soldats venus du
Rhin, et les appelaient _le contingent_, par allusion aux contingens
des cercles, qui dans les armees de l'empereur faisaient mollement leur
devoir. Les soldats du Rhin, vieillis sous les armes, etaient impatiens
de prouver leur valeur a leurs rivaux de gloire. Deja quelques coups
de sabre avaient ete echanges a cause de ces railleries, et on etait
impatient de faire ses preuves devant l'ennemi.
Le 23 (13 mars), les trois divisions passerent la Piave sans accident,
et faillirent seulement perdre un homme, qui allait se noyer, lorsqu'une
cantiniere le sauva en se jetant a la nage. Bonaparte donna a cette
femme un collier d'or. Les avant-gardes ennemies se replierent, et
vinrent chercher un refuge derriere le Tagliamento. Toutes les troupes
du prince Charles repandues dans le Frioul y etaient reunies pour en
disputer le passage. Les deux jeunes adversaires allaient se trouver en
presence. L'un, en sauvant l'Allemagne par une pensee heureuse, s'etait
acquis l'annee precedente une grande reputation. Il etait brave, point
engage dans les routines allemandes, mais fort incertain du succes,
et tres alarme pour sa gloi
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