re et se trouverent sur cette route
mal entretenue qui, serpentant a travers des marais, s'en allait vers le
pied de la montagne. Alors il entreprit d'interroger la bohemienne.
--Vous avez, dit-il, longtemps vecu avec le bohemien Belgodere?
--Belgodere?... Oui: un homme dur et mechant. Mais qui dira jamais la
durete et la mechancete de l'eveque?
--Et Violetta?... Vous l'avez connue aussi?...
--Je ne la connais pas, je ne veux pas la connaitre.
--Mais pourquoi? demanda Pardaillan perplexe. Vous haissez donc cette
pauvre petite?
--Non. Je ne la hais pas. Je ne l'aime pas... je ne veux pas la
connaitre... Je ne puis pas la voir.
Elle s'arreta tout a coup, saisit le chevalier par le bras:
--Elle a un visage qui me fait trop souffrir, murmura-t-elle, qui me
rappelle trop de choses... ne me parlez jamais d'elle... jamais!
Ils arriverent enfin sur le haut de la colline. La s'elevait l'abbaye
des Benedictines.
Pardaillan se demandait jusqu'ou la fantaisie de la folle allait
l'entrainer. Il ne voulait et ne pouvait s'ecarter de Paris. D'autre
part, il eut eprouve un remords a abandonner cette malheureuse
toute seule en pleine campagne. S'il pouvait la decider a demander
l'hospitalite dans le couvent!
--Madame, dit-il alors, vous voici hors de Paris.
--Oui, dit la bohemienne, ici je respire. Ici j'etouffe moins sous le
poids des pensees qui, la-bas, tourbillonnaient autour de ma tete comme
des oiseaux funebres... Pensees de folie, sans doute. Que suis-je?...
Saizuma, pas autre chose. Je suis Saizuma. Voulez-vous que je vous dise
la bonne aventure?
Pardaillan offrit sa main a la diseuse de bonne aventure.
--Si j'aimais un homme, dit Saizuma, moi qui n'aime pas, qui n'ai jamais
aime, et qui n'aimerai jamais, si j'aimais un homme, je voudrais qu'il
eut une main pareille a la votre. Vous etes gueux, peut-etre, et vous
etes prince parmi les princes. Vous portez en vous le malheur, et vous
semez autour de vous le bonheur...
--Par Pilate! songea le chevalier. Je porte en moi le malheur?... C'est
ce qu'il faudra voir. Voyons, pauvre femme, reprit-il, puisque vous
paraissez me temoigner quelque confiance, voici une maison ou c'est un
devoir d'accorder l'hospitalite a ceux qui sont errants. Il faut vous y
reposer deux ou trois jours. Je viendrai vous chercher.
--Alors, je consens a m'arreter ici, dit Saizuma.
Le chevalier, craignant que la folle ne revint bientot sur sa
determination, s'empressa d'alle
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