E SAINT-ROCH
Picouic et Croasse avaient realise leur reve et vu leurs efforts
couronnes d'un plein succes: ils avaient ete promus a la dignite de
laquais de M. le duc d'Angouleme. Pardaillan et le jeune duc vivant
d'une vie commune pour le quart d'heure, les anciens hercules de
Belgodere s'etaient d'autant plus tenus pour satisfaits qu'en devenant
les laquais de Charles d'Angouleme ils esperaient etre surtout les
ecuyers de Pardaillan pour qui ils eprouvaient une admiration sans
bornes.
Le lendemain de cet heureux jour ou les deux pauvres diables trouverent
ce que Picouic avait justement appele une position sociale, le chevalier
de Pardaillan et le jeune duc sortirent dans l'intention de se rendre a
l'abbaye de Montmartre pour essayer de tirer quelques renseignements de
la bohemienne Saizuma. Picouic et Croasse, fiers comme deux Artaban dans
leurs habits neufs, et d'ailleurs armes jusqu'aux dents, suivaient leurs
maitres a dix pas.
Tout en donnant la replique a Charles qui ne parlait, on s'en doute,
que de Violetta, Pardaillan songeait a ce Maurevert qu'il etait venu
chercher a Paris apres l'avoir cherche en Provence et en Bourgogne.
Tout a coup, il le vit a quinze pas a peine, qui marchait devant lui,
accompagne d'un homme.
Pardaillan palit legerement. Ses yeux se plisserent et sa main se crispa
sur la garde de sa rapiere.
Ce n'etait pas ainsi que Maurevert devait mourir!...
--Qu'avez-vous, cher ami? lui demanda le petit duc. Vous etes tout pale.
--Rien, fit Pardaillan. Seulement, si vous voulez bien, nous remettrons
a plus tard notre voyage a Montmartre.
--Soit. Que ferons-nous donc?...
--Suivre ces deux hommes qui marchent la devant nous...
Il fallait que Maurevert fut distrait par une bien puissante
preoccupation. Car lui qui, d'ordinaire, avait constamment les yeux
et les oreilles aux aguets, semblait avoir oublie tout un monde pour
s'absorber dans l'audition de ce compagnon qui lui parlait a voix basse.
Cet homme etait une facon de garcon meunier. Mais son oeil exerce, sous
ce costume, eut vite reconnu l'homme de guerre. Cet homme, en effet,
c'etait Maineville, l'ame damnee du duc de Guise. Et Maineville disait:
--Le duc n'y croit pas. Malgre la precision de la lettre qui lui denonce
la chose, il ne veut pas croire...
--Et pourtant, reprit Maurevert, cette lettre lui vient de cette femme
mysterieuse...
--A laquelle il obeit comme si elle etait une souveraine, oui. Il
faudrait, Maureve
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