l m'en faut trente sacs.
Vous le voyez, c'est une fortune... Et je ne mets au marche qu'une
condition: c'est de choisir moi-meme mes sacs.
--C'est trop juste, dit le meunier qui, alors, sans avoir l'air de le
faire expres, referma la porte d'entree.
--Vous pouvez meme pousser le verrou, mon brave, fit Pardaillan,
narquois. Surtout, quand vous saurez que les sacs que je veux vous
acheter sont justement les trente qui vous ont ete apportes tout a
l'heure par trente mulets.
A ces mots, le meunier jeta un cri d'appel, et, de la piece voisine,
les muletiers, poignards et pistolets aux poings, firent irruption.
Pardaillan tira sa rapiere et le combat allait s'engager, lorsqu'une
voix forte retentit:
--Bas les armes!...
Les muletiers et Pardaillan s'arreterent. Et, alors, entra un grand
vieillard a l'attitude hautaine, qui fit un geste de commandement. Les
muletiers et le meunier disparurent. Pardaillan rengaina son epee. Le
vieillard le considera avec attention, puis il dit:
--Monsieur, je suis le maitre de ce moulin. C'est donc avec moi que vous
devez traiter.
--Monsieur, dit Pardaillan, je crois inutile d'employer avec vous les
detours. Je commence donc par vous declarer que j'ai surpris votre
secret: les mulets qui sont montes ici etaient charges d'or.
--C'est exact, monsieur: il y en a pour trois millions...
Pardaillan fit un geste d'indifference. Le maitre du moulin, ou celui
qui se donnait pour tel, examina Pardaillan qui, de son cote, rendait
examen pour examen.
--Pourquoi, demanda tout a coup le chevalier, avez-vous empeche ces
dignes muletiers de foncer sur moi?
--Parce que votre figure m'a interesse. J'eusse ete fache qu'il vous
arrivat malheur. Et, des l'instant ou je vous ai vu monter le sentier et
entrer ici, j'ai desire vous connaitre. Voulez-vous me dire votre nom?
--On m'appelle le chevalier Pardaillan. Et vous?
--Moi, je m'appelle M. Peretti, dit le vieillard apres une courte
hesitation.
--Savez-vous, demanda Pardaillan, qui etaient ces deux hommes qui ont eu
querelle avec un de vos muletiers?
--Je crois avoir, de loin, reconnu l'un d'eux... le sire de Maineville,
qui appartient a la maison de Guise... Et vous, monsieur de Pardaillan,
reprit M. Peretti, n'etes-vous pas au duc?
En parlant, M. Peretti fouillait les yeux de Pardaillan.
--Je vais vous dire, fit paisiblement le chevalier, dans quelle
intention je suis monte au moulin. Je suivais justement M. de Maineville
et
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