nter l'arome, et c'est pourquoi je vous transporte au mois de mai
1871, aux derniers jours de la Commune.
Pour l'entree des troupes regulieres dans la ville reconquise, je ne
sais plus a quel corps de l'armee de Mac-Mahon avait ete prescrite
l'occupation du XVIIe arrondissement. Peut-etre etait-ce a la division
du general Clinchant, mais peu importe. Toujours est-il que les federes,
notamment ceux des Ternes, lui avaient oppose une energique resistance.
On s'etait battu ferme a la porte Dauphine d'abord, puis place Wagram,
et enfin a la porte des Ternes meme, ou je vois encore un canonnier de
la marine, a demi fou de rage, et assiste de deux titis du quartier,
braquer eperdument sa piece tantot sur le mont Valerien, tantot sur
les tours de Notre-Dame. Ce n'etait pas que l'opinion politique de
ce pointeur fut incertaine, et tout indiquait en lui, geste, cris et
costume, qu'il ne croyait pas travailler a la gloire de M. Thiers, mais
grace a un jeu de balistique dont l'invention revenait a ses jeunes
servants d'artillerie, la caronade, virant sur son axe comme toupie,
balayait tour a tour Sablonville et l'avenue ternoise, impartialement.
Bibi et Coco--tels etaient les noms homeriques de ces apprentis
Jomini--s'en gondolaient sur le talus des fortifs. Quant au canonnier,
je n'ai pas besoin de vous dire que, quoique de premiere classe, il
n'abattait, et en tous sens, que des cheminees, dans le ciel, et des
platanes, sur la terre.
Encore n'etait-ce pas des platanes. A cette epoque, ce charmant
quartier, ou j'aurai fidelement vecu ma vie, depuis lors annexe a la
peripherie, et comme suburbain encore, etait un bois veritable ou plutot
un parc, seme de maisonnettes ouvrant sur des jardinets debordants de
lilas de Perse et que traversait l'avenue dite des Ternes, charmille
d'acacias. C'etait donc des grappes roses ou blanches et des gerbes
violettes qu'ebranchait la caronade giratoire, et la large voie en etait
pleine.
Des aides cocasses et hilares de l'hoffmannesque canonnier, specimens du
type populaire de Gavroche, point de portraits a faire, n'est-ce pas,
apres l'auteur des _Miserables_? Ils ne different point d'une zone
municipale a l'autre, et le moineau franc les symbolise a merveille.
Rien de plus candide dans la demoralisation, innee ou educatrice, de
plus sensible meme dans le fatalisme, que ces petits Parigots, modeles
du limon de la bonne Lutece, qui pleurent sans larmes, en dedans, rient
sans joie, comme le s
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