r le duc, en
signe d'adieu a la patrie.
Qui pourra peindre le dechirement mortel avec lequel son ame,
suivant comme un oeil vigilant la trace de ces cadavres, les alla
tous regarder les uns apres les autres, pour reconnaitre si parmi
eux ne dormait pas Raoul? Qui pourra exprimer la joie enivrante,
divine, avec laquelle Athos s'inclina devant Dieu, et le remercia
de n'avoir pas vu celui qu'il cherchait avec tant de crainte parmi
les morts?
En effet, tombes morts a leur rang, roidis, glaces, tous ces
morts, bien reconnaissables, semblaient se tourner avec
complaisance et respect vers le comte de La Fere, pour etre mieux
vus de lui pendant son inspection funebre.
Cependant, il s'etonnait voyant tous ces cadavres, de ne pas
apercevoir les survivants.
Il en etait venu a ce point d'illusion, que cette vision etait
pour lui un voyage reel fait par le pere en Afrique, pour obtenir
des renseignements plus exacts sur le fils.
Aussi, fatigue d'avoir tant parcouru de mers et de continents, il
cherchait a se reposer sous une des tentes abritees derriere un
rocher, et sur le sommet desquelles flottait le pennon blanc
fleurdelise. Il chercha un soldat pour etre conduit vers la tente
de M. de Beaufort.
Alors, pendant que son regard errait dans la plaine, se tournant
de tous les cotes, il vit une forme blanche apparaitre derriere
les myrtes resineux.
Cette figure etait vetue d'un costume d'officier: elle tenait en
main une epee brisee; elle s'avanca lentement vers Athos, qui,
s'arretant tout a coup et fixant son regard sur elle, ne parlait
pas, ne remuait pas, et qui voulait ouvrir ses bras, parce que
dans cet officier silencieux et pale, il venait de reconnaitre
Raoul.
Le comte essaya un cri, qui demeura etouffe dans son gosier.
Raoul, d'un geste, lui indiquait de se taire en mettant un doigt
sur sa bouche et en reculant peu a peu, sans qu'Athos vit ses
jambes se mouvoir.
Le comte, plus pale que Raoul, plus tremblant, suivit son fils en
traversant peniblement bruyeres et buissons, pierres et fosses.
Raoul ne paraissait pas toucher la terre, et nul obstacle
n'entravait la legerete de sa marche.
Le comte, que les accidents de terrain fatiguaient, s'arreta
bientot epuise. Raoul lui faisait toujours signe de le suivre. Le
tendre pere, auquel l'amour redonnait des forces, essaya un
dernier mouvement et gravit la montagne a la suite du jeune homme,
qui l'attirait par son geste et son sourire.
Enfin, il toucha la
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