urs avec M. le duc
d'Alameda.
-- Monsieur, dit Colbert a Aramis, voici le moment de nous
entendre. Je vous ai raccommode avec le roi, et je devais bien
cela a un homme de votre merite; mais, comme vous m'avez
quelquefois temoigne de l'amitie, l'occasion s'offre de m'en
donner une preuve. Vous etes d'ailleurs plus Francais qu'Espagnol.
Aurons-nous, repondez-moi franchement, la neutralite de l'Espagne,
si nous entreprenons contre les Provinces-Unies?
-- Monsieur, repliqua Aramis, l'interet de l'Espagne est bien
clair. Brouiller avec l'Europe les Provinces-Unies contre
lesquelles subsiste l'ancienne rancune de leur liberte conquise,
c'est notre politique; mais le roi de France est allie des
Provinces-Unies. Vous n'ignorez pas ensuite que ce serait une
guerre maritime, et que la France n'est pas, je crois, en etat de
la faire avec avantage.
Colbert, se retournant a ce moment, vit d'Artagnan qui cherchait
un interlocuteur pendant les apartes du roi et de Monsieur.
Il l'appela.
Et tout bas a Aramis:
-- Nous pouvons causer avec M. d'Artagnan, dit-il.
-- Oh! certes, repondit l'ambassadeur.
-- Nous etions a dire, M. d'Alameda et moi, fit Colbert, que la
guerre avec les Provinces-Unies serait une guerre maritime.
-- C'est evident, repondit le mousquetaire.
-- Et qu'en pensez-vous, monsieur d'Artagnan?
-- Je pense que, pour faire cette guerre maritime, il nous
faudrait une bien grosse armee de terre.
-- Plait-il? fit Colbert qui croyait avoir mal entendu.
-- Pourquoi une armee de terre? dit Aramis.
-- Parce que le roi sera battu sur mer s'il n'a pas les Anglais
avec lui, et que, battu sur mer, il sera vite envahi, soit par les
Hollandais dans les ports, soit par les Espagnols sur terre.
-- L'Espagne neutre? dit Aramis.
-- Neutre tant que le roi sera le plus fort, repartit d'Artagnan.
Colbert admira cette sagacite, qui ne touchait jamais a une
question sans l'eclairer a fond.
Aramis sourit. Il savait trop que, en fait de diplomates,
d'Artagnan ne reconnaissait pas de maitre.
Colbert, qui, comme tous les hommes d'orgueil, caressait sa
fantaisie avec une certitude de succes, reprit la parole:
-- Qui vous dit, monsieur d'Artagnan, que le roi n'a pas de
marine?
-- Oh! je ne me suis pas occupe de ces details, repliqua le
capitaine. Je suis un mediocre homme de mer. Comme tous les gens
nerveux, je hais la mer, j'ai idee qu'avec des vaisseaux, la
France etant un port de mer a deux cents t
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