rees magiquement, sans la
cooperation d'un seul etre humain, la flamme s'eteignit, la fumee
recommenca de monter, puis diminua d'intensite, palit et s'evapora
completement.
La nuit alors se fit dans ce paysage; une nuit opaque sur terre,
brillante au firmament; les grosses etoiles flamboyantes qui
scintillent au ciel africain brillaient sans rien eclairer
qu'elles-memes autour d'elles.
Un long silence s'etablit qui servit a reposer un moment
l'imagination troublee d'Athos, et, comme il sentait que ce qu'il
avait a voir n'etait pas termine, il appliqua plus attentivement
les regards de son intelligence sur le spectacle etrange que lui
reservait son imagination.
Ce spectacle continua bientot pour lui.
Une lune douce et pale se leva derriere les versants de la cote,
et moirant d'abord des plis onduleux de la mer, qui semblait
s'etre calmee apres les mugissements qu'elle avait fait entendre
pendant la vision d'Athos, la lune, disons-nous, vint attacher ses
diamants et ses opales aux broussailles et aux halliers de la
colline.
Les roches grises, comme autant de fantomes silencieux et
attentifs, semblerent dresser leurs tetes verdatres pour examiner
aussi le champ de bataille a la clarte de la lune, et Athos
s'apercut que ce champ, entierement vide pendant le combat, etait
maintenant jonche de corps abattus.
Un inexplicable frisson de crainte et d'horreur saisit son ame,
quand il reconnut l'uniforme blanc et bleu des soldats de
Picardie, leurs longues piques au manche bleu et leurs mousquets
marques de la fleur de lis a la crosse;
Quand il vit toutes les blessures beantes et froides regarder le
ciel azure, comme pour lui redemander les ames auxquelles elles
avaient livre passage;
Quand il vit les chevaux, eventres, mornes, la langue pendante de
cote hors des levres, dormir dans le sang glace repandu autour
d'eux, et qui souillait leurs housses et leurs crinieres;
Quand il vit le cheval blanc de M. de Beaufort etendu, la tete
fracassee, au premier rang sur le champ des morts.
Athos passa une main froide sur son front, qu'il s'etonna de ne
pas trouver brulant. Il se convainquit, par cet attouchement,
qu'il assistait, comme un spectateur sans fievre, au lendemain
d'une bataille livree sur le rivage de Djidgelli par l'armee
expeditionnaire, qu'il avait vue quitter les cotes de France et
disparaitre a l'horizon, et dont il avait salue, de la pensee et
du geste, la derniere lueur du coup de canon envoye pa
|