qu'ils connaissent, dans la terreur de l'autre vie qu'ils
entrevoient aux sombres et severes flambeaux de la mort.
Athos etait guide par l'ame pure et sereine de son fils, qui
aspirait l'ame paternelle. Tout pour ce juste fut melodie et
parfum, dans le rude chemin que prennent les ames pour retourner
dans la celeste patrie.
Apres une heure de cette extase, Athos eleva doucement ses mains
blanches comme la cire; le sourire ne quitta point ses levres, et
il murmura, si bas, si bas qu'a peine on l'entendit, ces deux mots
adresses a Dieu ou a Raoul:
-- _Me voici!_
Et ses mains retomberent lentement comme si lui-meme les eut
reposees sur le lit.
La mort avait ete commode et caressante a cette noble creature.
Elle lui avait epargne les dechirements de l'agonie, les
convulsions du depart supreme; elle avait ouvert d'un doigt
favorable les portes de l'eternite a cette grande ame digne de
tous ses respects.
Dieu l'avait sans doute ordonne ainsi, pour que le souvenir pieux
de cette mort si douce restat dans le coeur des assistants et dans
la memoire des autres hommes, trepas qui fit aimer le passage de
cette vie a l'autre a ceux dont l'existence sur cette terre ne
peut faire redouter le jugement dernier.
Athos garda meme dans l'eternel sommeil ce sourire placide et
sincere, ornement qui devait l'accompagner dans le tombeau. La
quietude de ses traits, le calme de son neant, firent douter
longtemps ses serviteurs qu'il eut quitte la vie.
Les gens du comte voulurent emmener Grimaud, qui, de loin,
devorait ce visage palissant et n'approchait point, dans la
crainte pieuse de lui apporter le souffle de la mort. Mais
Grimaud, tout fatigue qu'il etait, refusa de s'eloigner. Il
s'assit sur le seuil, gardant son maitre avec la vigilance d'une
sentinelle, et jaloux de recueillir son premier regard au reveil,
son dernier soupir a la mort.
Les bruits s'eteignaient dans toute la maison, et chacun
respectait le sommeil du seigneur. Mais Grimaud, en pretant
l'oreille, s'apercut que le comte ne respirait plus.
Il se souleva, ses mains appuyees sur le sol, et, de sa place,
regarda s'il ne s'eveillerait pas un tressaillement dans le corps
de son maitre.
Rien! la peur le prit; il se leva tout a fait, et, au meme moment,
il entendit marcher dans l'escalier; un bruit d'eperons heurtes
par une epee, son belliqueux, familier a ses oreilles, l'arreta
comme il allait marcher vers le lit d'Athos. Une voix plus
vibrante encore
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