sent, et on attend en silence
l'ouverture de cette scene, l'une des plus grandes de notre orageuse
republique.
Saint-Just, qui a manque a la parole donnee a ses collegues, et qui n'est
pas alle leur lire son rapport, est a la tribune. Les deux Robespierre,
Lebas, Couthon, sont assis a cote les uns des autres. Collot-d'Herbois est
au fauteuil. Saint-Just se dit charge par les comites de faire un rapport,
et obtient la parole. Il debute en disant qu'il n'est d'aucune faction, et
qu'il n'appartient qu'a la verite; que la tribune pourra etre pour lui,
comme pour beaucoup d'autres, la roche Tarpeienne, mais qu'il n'en dira pas
moins son opinion tout entiere sur les divisions qui ont eclate. Tallien
lui laisse a peine achever ces premieres phrases, et demande la parole pour
une motion d'ordre. Il l'obtient. "La republique, dit-il, est dans l'etat
le plus malheureux, et aucun bon citoyen ne peut s'empecher de verser des
larmes sur elle. Hier un membre du gouvernement s'est isole, et a denonce
ses collegues, un autre vient en faire de meme aujourd'hui. C'est assez
aggraver nos maux; je demande qu'enfin le voile soit entierement dechire."
A peine ces paroles sont-elles prononcees que les applaudissemens eclatent,
se prolongent, recommencent encore, et retentissent une troisieme fois.
C'etait le signal avant-coureur de la chute des triumvirs.
Billaud-Varennes, qui s'est empare de la tribune apres Tallien, dit que les
jacobins ont tenu la veille une seance seditieuse, ou se trouvaient des
assassins apostes, qui ont annonce le projet d'egorger la convention. Une
indignation generale se manifeste. "Je vois, ajoute Billaud-Varennes, je
vois dans les tribunes un des hommes qui menacaient hier les deputes
fideles. Qu'on le saisisse!" On s'en empare aussitot, et on le livre aux
gendarmes. Billaud soutient ensuite que Saint-Just n'a pas le droit de
parler au nom des comites, parce qu'il ne leur a pas communique son
rapport; que c'est le moment pour l'assemblee de ne pas mollir, car elle
perira si elle est faible. "Non, non, s'ecrient les deputes en agitant
leurs chapeaux, elle ne sera pas faible, et ne perira pas!" Lebas reclame
la parole, que Billaud n'a pas cedee encore; il s'agite, et fait du bruit
pour l'obtenir. Sur la demande de tous les deputes, il est rappele a
l'ordre. Il veut insister de nouveau. "A l'Abbaye le seditieux!" s'ecrient
plusieurs voix de la Montagne. Billaud continue, et ne gardant plus aucun
menagement, dit que Ro
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