rdinaire exact, a dit d'apres Brossette: "Au jugement de Despreaux
(et autant que je puis me connoitre en poesie, ce n'est pas son meilleur
jugement), de tous les ouvrages de Moliere, celui dont la versification
est la plus reguliere et la plus soutenue, c'est le poeme qu'il a
fait en faveur du fameux Mignard, son ami. Ce poeme, disoit-il a M.
Brossette, peut tenir lieu d'un traite complet de peinture, et l'auteur
y a fait entrer toutes les regles de cet art admirable (et Despreaux
citait les memes vers que nous avons donnes plus haut). Remarquez,
monsieur, ajoutoit Despreaux, que Moliere a fait, sans y penser, le
caractere de ses poesies, en marquant ici la difference de la peinture a
l'huile et de la peinture a fresque. Dans ce poeme sur la peinture, il a
travaille comme les peintres a l'huile, qui reprennent plusieurs fois le
pinceau pour retoucher et corriger leur ouvrage, au lieu que dans ses
comedies, ou il falloit beaucoup d'action et de mouvement, il preferoit
les _brusques fiertes_ de la fresque a _la paresse de l'huile_." Ce
jugement de Boileau a ete fort conteste depuis Cizeron-Rival. M. Auger
le mentionne comme _singulier_. Vauvenargues, qui est de l'avis de
Fenelon sur la poesie de Moliere, trouve ce poeme du Val-de-Grace peu
satisfaisant et prefere en general, comme peintre, La Bruyere au grand
comique: predilection de critique moraliste pour le modele du genre.
Vous etes peintre a l'huile, M. de Vauvenargues! Boileau, tout aussi
interesse qu'il etait dans la question, se montre plus fermement
judicieux. Non que j'admette que ce poeme du Val-de-Grace soit bon et
satisfaisant d'un bout a l'autre, ou que Moliere ait modifie, ralenti sa
maniere en le composant. La poesie en est plus chaude que nette; elle
tombe dans le technique et s'y embarrasse souvent en le voulant animer.
Mais Boileau a bien mis le doigt sur le cote precieux du morceau.
Boileau, reconnaissons-le, malgre ce qu'on a pu reprocher a ses reserves
un peu fortes de l'_Art poetique_ ou a son etonnement bien innocent et
bien permis sur les rimes de Moliere, fut souverainement equitable
en tout ce qui concerne le poete son ami, celui qu'il appelait _le
Contemplateur_. Il le comprenait et l'admirait dans les parties les plus
etrangeres a lui-meme; il se plaisait a etre son complice dans le latin
macaronique de ses plus folles comedies; il lui fournissait les malignes
etymologies grecques de _l'Amour medecin_; il mesurait dans son entier
cette faculte
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