e pensait Menage) les pieces en prose de Moliere
a celles qui sont en vers, lorsqu'il parle de cette multitude de
metaphores qui, suivant lui, approchent du galimatias, Fenelon, poete
elegant en prose, n'entend rien, il faut le dire, a cette riche maniere
de poesie, qui n'est pas plus celle de Virgile et de Terence qu'en
peinture la maniere de Rubens n'est celle de Raphael. Boileau, tout
artiste sobre qu'il etait et dans un autre procede que Moliere, lui
rendait haute justice la-dessus; il le reprenait sans doute quelquefois
et aurait voulu epurer maint detail, comme on le voit par exemple en
cette correction qui a ete conservee de deux vers des _Femmes savantes_.
Moliere avait mis d'abord:
Quand sur une personne on pretend s'ajuster,
C'est par les beaux cotes qu'il la faut imiter.
M. Despreaux, dit Cizeron-Rival d'apres Brossette, trouva du jargon dans
ces deux vers et les retablit de cette facon:
Quand sur une personne on pretend se regler,
C'est par ses beaux endroits qu'il lui faut ressembler."
Mais, jargon ou non, il etait le premier a proclamer Moliere maitre dans
l'art de frapper les bons vers, et il n'aurait pas admis le jugement par
trop degoute de Fenelon. Rien d'etonnant, au reste, que cette fine et
mystique nature de Fenelon, dans sa blanche robe de lin, dans sa simple
tunique, un peu longue, un peu trainante (en fait de style), n'ait pas
entendu ces admirables plis mouvants, etoffes, du manteau du grand
comique. Ce qui est ubereux, surtout la gaiete, repugne singulierement
aux natures delicates et reveuses. En depit de ces juges difficiles,
comme satire dialoguee en vers, _les Facheux_ sont un chef-d'oeuvre.
Durant les quatorze annees qui suivirent son installation a Paris, et
jusqu'a l'heure de sa mort, en 1673, Moliere ne cessa de produire. Pour
le roi, pour la cour et les fetes de commande, pour le plaisir du
gros public et les interets de sa troupe, pour sa propre gloire et la
serieuse posterite, Moliere se multiplie et suffit a tout. Rien de
meticuleux en lui et qui sente l'auteur de cabinet. Vrai poete de drame,
ses ouvrages sont en scene, en action; il ne les ecrit pas, pour ainsi
dire, il les joue. Sa vie de comedien de province avait ete un peu celle
des poetes primitifs populaires, des rapsodes, jongleurs ou pelerins de
la Passion; ils allaient, comme on sait, se repetant les uns les autres,
se prenant leurs canevas et leurs themes, y ajoutant a l'occasion,
s'oubliant eux et leur
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