et
qu'il ne connaissait pas encore, des stances faciles, ou il celebre la
charmante naivete de cette comedie qu'il egale a celles de Terence,
supposees ecrites par Scipion. Ces deux amusants chefs-d'oeuvre ne
furent separes que par la legere mais ingenieuse comedie-impromptu des
_Facheux_, faite, apprise et representee en quinze jours pour les fetes
de Vaux. La Fontaine en a dit, dans un eloge de ces fetes, les dernieres
du malheureux _Oronte_:
C'est une piece de Moliere:
Cet ecrivain par sa maniere
Charme a present toute la cour.
Nous avons change de methode;
Jodelet n'est plus a la mode,
Et maintenant il ne faut pas
Quitter la nature d'un pas.
Jamais le libre et prompt talent de Moliere pour les vers n'eclata plus
evidemment que dans cette comedie satirique, dans les scenes du piquet
ou de la chasse. La scene de la chasse ne se trouvait pas dans la piece
a la premiere representation; mais Louis XIV, montrant du doigt a
Moliere M. de Soyecourt, grand-veneur, lui dit: "Voila un original que
vous n'avez pas encore copie." Le lendemain, la scene du chasseur etait
faite et executee. Boileau, dont cette piece des _Facheux_ devancait la
maniere en la surpassant, y songeait sans doute quand il demanda trois
ans plus tard a Moliere ou il trouvait la rime. C'est que Moliere ne la
cherchait pas; c'est qu'il ne faisait pas d'habitude son second vers
avant le premier, et n'attendait pas un demi-jour et plus pour trouver
ensuite au coin d'un bois le mot qui l'avait fui. Il etait de la veine
rapide, _prime-sautiere_, de Regnier, de d'Aubigne; ne marchandant
jamais la phrase ni le mot, au risque meme d'un pli dans le vers, d'un
tour un peu violent ou de l'hiatus au pire; un duc de Saint-Simon en
poesie; une facon d'expression toujours en avant, toujours certaine, que
chaque flot de pensee emplit et colore. M. Auger s'est attache a relever
comme fautes tous les manques de repos a l'hemistiche chez Moliere;
c'est peine puerile, puisque notre poete ne suit pas la-dessus la loi de
Boileau et des autres reguliers. Moliere faisait si naturellement les
vers que ses pieces en prose sont remplies de vers blancs; on l'a
remarque pour le _Festin de Pierre_, et l'on a ete jusqu'a conjecturer
que la petite piece du _Sicilien_ avait ete primitivement ebauchee en
vers et que Moliere avait ensuite brouille le tout dans une prose qui
en avait garde trace. Fenelon, lorsqu'a propos de _l'Avare_ il declare
preferer (comme aussi l
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