eurs femmes. Mais les
Cosaques savaient bien les trouver partout.
-- Serenissimes seigneurs, s'ecriait un juif long et sec comme un
baton, qui montrait du milieu de ses camarades sa chetive figure
toute bouleversee par la peur; serenissimes seigneurs, permettez-
nous de vous dire un mot, rien qu'un mot. Nous vous dirons une
chose comme vous n'en avez jamais entendue, une chose de telle
importance, qu'on ne peut pas dire combien elle est importante.
-- Voyons, parlez, dit Boulba, qui aimait toujours a entendre
l'accuse.
-- Excellentissimes seigneurs, dit le juif, on n'a jamais encore
vu de pareils seigneurs, non, devant Dieu, jamais. Il n'y a pas eu
au monde d'aussi nobles, bons et braves seigneurs.
Sa voix s'etouffait et mourait d'effroi.
-- Comment est-ce possible que nous pensions mal des Zaporogues?
Ce ne sont pas les notres qui sont les fermiers d'eglises dans
l'Ukraine; non, devant Dieu, ce ne sont pas les notres. Ce ne sont
pas meme des juifs; le diable sait ce que c'est. C'est une chose
sur laquelle il ne faut que cracher, et la jeter ensuite. Ceux-ci
vous diront la meme chose. N'est-ce pas, Chleuma? n'est-ce pas,
Chmoul?
-- Devant Dieu, c'est bien vrai, repondirent de la foule Chleuma
et Chmoul, tous deux vetus d'habits en lambeaux, et blemes comme
du platre.
-- Jamais encore, continua le long juif, nous n'avons eu de
relations avec l'ennemi, et nous ne voulons rien avoir a faire
avec les catholiques. Qu'ils voient le diable en songe! nous
sommes comme des freres avec les Zaporogues.
-- Comment! que les Zaporogues soient vos freres! s'ecria
quelqu'un de la foule. Jamais, maudits juifs. Au Dniepr, cette
maudite canaille!
Ces mots servirent de signal. On empoigna les juifs, et on
commenca a les lancer dans le fleuve. Des cris plaintifs
s'elevaient de tous cotes; mais les farouches Zaporogues ne
faisaient que rire en voyant les greles jambes des juifs,
chaussees de bas et de souliers, s'agiter dans les airs. Le pauvre
orateur, qui avait attire un si grand desastre sur les siens et
sur lui-meme, s'arracha de son caftan, par lequel on l'avait deja
saisi, en petite camisole etroite et de toutes couleurs, embrassa
les pieds de Boulba, et se mit a le supplier d'une voix
lamentable.
-- Magnifique et serenissime seigneur, j'ai connu votre frere, le
defunt Doroch. C'etait un vrai guerrier, la fleur de la
chevalerie. Je lui ai prete huit cents sequins pour se racheter
des Turcs.
-- Tu as connu
|