ufs pesants etaient
couches, les jambes pliees, en troupes blanchatres, et
ressemblaient de loin a de grosses pierres immobiles eparses dans
la plaine, de tous cotes s'elevaient les sourds ronflements des
soldats endormis, auxquels repondaient par des hennissements
sonores les chevaux qu'indignaient leurs entraves.
Cependant, une lueur solennelle et lugubre ajoutait encore a la
beaute de cette nuit de juillet; c'etait le reflet de l'incendie
des villages d'alentour. Ici, la flamme s'etendait large et
paisible sur le ciel; la, trouvant un aliment faible, elle
s'elancait en minces tourbillons jusque sous les etoiles; des
lambeaux enflammes se detachaient pour se trainer et s'eteindre au
loin. De ce cote, un monastere aux murs noircis par le feu, se
tenait sombre et grave comme un moine encapuchonne, montrant a
chaque reflet sa lugubre grandeur; de cet autre, brulait le grand
jardin du couvent. On croyait entendre le sifflement des arbres
que tordait la flamme, et quand, au sein de l'epaisse fumee,
jaillissait un rayon lumineux, il eclairait de sa lueur violatre
des masses de prunes muries, et changeait en or de ducats des
poires qui jaunissaient a travers le sombre feuillage. D'une et
d'autre parts, pendaient aux creneaux ou aux branches quelque
moine ou quelque malheureux juif dont le corps se consumait avec
tout le reste. Une quantite d'oiseaux s'agitaient devant la nappe
de feu, et, de loin, semblaient autant de petites croix noires. La
ville dormait, degarnie de defenseurs. Les fleches des temples,
les toits des maisons, les creneaux des murs et les pointes des
palissades s'enflammaient silencieusement du reflet des incendies
lointains. Andry parcourait les rangs des Cosaques. Les feux,
autour desquels s'asseyaient les gardes, ne jetaient plus que de
faibles clartes, et les gardes eux-memes se laissaient aller au
sommeil, apres avoir largement satisfait leur appetit cosaque. Il
s'etonna d'une telle insouciance, pensant qu'il etait fort heureux
qu'on n'eut pas d'ennemi dans le voisinage. Enfin, il s'approcha
lui-meme de l'un des chariots, grimpa sur la couverture, et se
coucha, le visage en l'air, en mettant ses mains jointes sous sa
tete; mais il ne put s'endormir, et demeura longtemps a regarder
le ciel. L'air etait pur et transparent; les etoiles qui forment
la voie lactee etincelaient d'une lumiere blanche et confuse. Par
moments, Andry s'assoupissait, et le premier voile du sommeil lui
cachait la vue du ciel,
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