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it suffire pour trois jours. Assure donc qu'il trouverait du gruau tout prepare dans les grands chaudrons, Andry prit une petite casserole de voyage appartenant a son pere, et alla trouver le cuisinier de son _kouren_, qui dormait etendu entre deux marmites sous lesquelles fumait encore la cendre chaude. A sa grande surprise, il les trouva vides l'une et l'autre. Il avait fallu des forces surhumaines pour manger tout ce gruau, car son _kouren_ comptait moins d'hommes que les autres. Il continua l'inspection des autres marmites, et ne trouva rien nulle part. Involontairement il se rappela le proverbe: "Les Zaporogues sont comme les enfants; s'il y a peu, ils s'en contentent; s'il y a beaucoup, ils ne laissent rien." Que faire? Il y avait sur le chariot de son pere un sac de pains blancs qu'on avait pris au pillage d'un monastere. Il s'approcha du chariot, mais le sac n'y etait plus. Ostap l'avait mis sous sa tete, et ronflait etendu par terre. Andry saisit le sac d'une main et l'enleva brusquement; la tete d'Ostap frappa sur le sol, et lui- meme, se dressant a demi eveille, s'ecria sans ouvrir les yeux: -- Arretez, arretez le Polonais du diable; attrapez son cheval. -- Tais-toi, ou je te tue, s'ecria Andry plein d'epouvante, en le menacant de son sac. Mais Ostap s'etait tu deja; il retomba sur la terre, et se remit a ronfler de maniere a agiter l'herbe que touchait son visage. Andry regarda avec terreur de tous cotes. Tout etait tranquille; une seule tete a la touffe flottante s'etait soulevee dans le _kouren_ voisin; mais apres avoir jete de vagues regards, elle s'etait reposee sur la terre. Au bout d'une courte attente, il s'eloigna emportant son butin. La Tatare etait couchee, respirant a peine. -- Leve-toi, lui dit-il; allons, tout le monde dort, ne crains rien. Es-tu en etat de soulever un de ces pains, si je ne puis les emporter tous moi-meme? Il mit le sac sur son dos, en prit un second, plein de millet, qu'il enleva d'un autre chariot, saisit dans ses mains les pains qu'il avait voulu donner a la Tatare, et, courbe sous ce poids, il passa intrepidement a travers les rangs des Zaporogues endormis. -- Andry! dit le vieux Boulba au moment ou son fils passa devant lui. Le coeur du jeune homme se glaca. Il s'arreta, et, tout tremblant, repondit a voix basse: -- Eh bien! quoi? -- Tu as une femme avec toi. Sur ma parole, je te rosserai demain matin d'importance. Les femmes ne te meneront a rien de
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