aques
qui le composaient eut ete tuee et l'autre moitie prisonniere,
sans qu'ils eussent eu le temps de se reconnaitre. Avant que les
_koureni_ voisins, eveilles par le bruit, eussent pu prendre les
armes, le detachement entrait deja dans la ville, et ses derniers
rangs soutenaient la fusillade contre les Zaporogues mal eveilles
qui se jetaient sur eux en desordre. Le _kochevoi_ fit rassembler
l'armee, et lorsque tous les soldats reunis en cercle, le bonnet a
la main, eurent fait silence, il leur dit:
-- Voila donc, seigneurs freres, ce qui est arrive cette nuit;
voila jusqu'ou peut conduire l'ivresse; voila l'injure que nous a
faite l'ennemi! Il parait que c'est la votre habitude: si l'on
vous double la ration, vous etes prets a vous souler de telle
sorte que l'ennemi du nom chretien peut non seulement vous oter
vos pantalons, mais meme vous eternuer au visage, sans que vous y
fassiez attention.
Tous les Cosaques tenaient la tete basse, sentant bien qu'ils
etaient coupables. Le seul _ataman_ du _kouren_ de Nesamaiko[31],
Koukoubenko, eleva la voix.
-- Arrete, pere, lui dit-il; quoiqu'il ne soit pas ecrit dans la
loi qu'on puisse faire quelque observation quand le _kochevoi_
parle devant toute l'armee, cependant, l'affaire ne s'etant point
passee comme tu l'as dit, il faut parler. Tes reproches ne sont
pas completement justes. Les Cosaques eussent ete fautifs et
dignes de la mort s'ils s'etaient enivres pendant la marche, la
bataille, ou un travail important et difficile; mais nous etions
la sans rien faire, a nous ennuyer devant cette ville. Il n'y
avait ni careme, ni aucune abstinence ordonnee par l'Eglise.
Comment veux-tu donc que l'homme ne boive pas quand il n'a rien a
faire? il n'y a point de peche a cela. Mais nous allons leur
montrer maintenant ce que c'est que d'attaquer des gens
inoffensifs. Nous les avons bien battus auparavant nous allons
maintenant les battre de maniere qu'ils n'emportent pas leurs
talons a la maison.
Le discours du _kourennoi_ plut aux Cosaques. Ils releverent leurs
tetes baissees, et beaucoup d'entre eux firent un signe de
satisfaction, en disant:
-- Koukoubenko a bien parle.
Et Tarass Boulba, qui se tenait non loin du _kochevoi_, ajouta:
-- Il parait, _kochevoi_, que Koukoubenko a dit la verite. Que
repondras-tu a cela?
-- Ce que je repondrai? je repondrai: Heureux le pere qui a donne
naissance a un pareil fils! Il n'y a pas une grande sagesse a dire
un mot de repro
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