es grandes occasions, ne s'abandonnaient jamais au
premier elan, mais se taisaient pour rassembler en silence toutes
les forces de leur indignation. Arrete, et moi, je dirai une
parole. Et vous donc, vous autres, que le diable rosse vos peres!
que faisiez-vous? N'aviez-vous pas de sabres, par hasard? Comment
avez-vous permis une pareille abomination?
-- Comment nous avons permis une pareille abomination? Et vous,
auriez-vous mieux fait quand il y avait cinquante mille hommes des
seuls Polonais? Et puis, il ne faut pas deguiser notre peche, il y
avait aussi des chiens parmi les notres, qui ont accepte leur
religion.
-- Et que faisait votre _hetman_? que faisaient vos _polkovniks_?
-- Ils ont fait de telles choses que Dieu veuille nous en
preserver.
-- Comment?
-- Voila comment: notre _hetman_ se trouve maintenant a Varsovie
roti dans un boeuf de cuivre, et les tetes de nos _polkovniks_ se
sont promenees avec leurs mains dans toutes les foires pour etre
montrees au peuple. Voila ce qu'ils ont fait.
Toute la foule frissonna. Un grand silence s'etablit sur le rivage
entier, semblable a celui qui precede les tempetes. Puis, tout a
coup, les cris, les paroles confuses eclaterent de tous cotes.
-- Comment! que les juifs tiennent a bail les eglises chretiennes!
que les pretres attellent des chretiens au brancard! Comment!
permettre de pareils supplices sur la terre russe, de la part de
maudits schismatiques! Qu'on puisse traiter ainsi les _polkovniks_
et les _hetman_s! non, ce ne sera pas, ce ne sera pas.
Ces mots volaient de cote et d'autre, Les Zaporogues commencaient
a se mettre en mouvement. Ce n'etait pas l'agitation d'un peuple
mobile. Ces caracteres lourds et forts ne s'enflammaient pas
promptement; mais une fois echauffes, ils conservaient longtemps
et obstinement leur flamme interieure.
-- Pendons d'abord tous les juifs, s'ecrierent des voix dans la
foule; qu'ils ne puissent plus faire de jupes a leurs juives avec
les chasubles des pretres! qu'ils ne mettent plus de signes sur
les hosties! noyons toute cette canaille dans le Dniepr!
Ces mots prononces par quelques-uns volerent de bouche en bouche
aussi rapidement que brille l'eclair, et toute la foule se
precipita sur le faubourg avec l'intention d'exterminer tous les
juifs.
Les pauvres fils d'Israel ayant perdu, dans leur frayeur, toute
presence d'esprit, se cachaient dans des tonneaux vides, dans les
cheminees, et jusque sous les jupes de l
|