ouerent resolument leurs tetes
chargees d'annees. Tarass avait touche juste.
Deja l'on voyait sortir de la ville l'armee ennemie, faisant
sonner les trompettes et les clairons, ainsi que les seigneurs
polonais, la main sur la hanche, entoures de nombreux serviteurs.
Le gros colonel donnait des ordres. Ils s'avancerent rapidement
sur les Cosaques, les menacant de leurs regards et de leurs
mousquets, abrites sous leurs brillantes cuirasses d'airain. Des
que les Cosaques virent qu'ils s'etaient avances a portee, tous
dechargerent leurs longs mousquets de six pieds, et continuerent a
tirer sans interruption. Le bruit de leurs decharges s'etendit au
loin dans les plaines environnantes, comme un roulement continu.
Le champ de bataille etait couvert de fumee, et les Zaporogues
tiraient toujours sans relache. Ceux des derniers rangs se
bornaient a charger les armes qu'ils tendaient aux plus avances,
etonnant l'ennemi qui ne pouvait comprendre comment les Cosaques
tiraient sans recharger leurs mousquets. Dans les flots de fumee
grise qui enveloppaient l'une et l'autre armee, on ne voyait plus
comment tantot l'un tantot l'autre manquait dans les rangs; mais
les Polonais surtout sentaient que les balles pleuvaient epaisses,
et lorsqu'ils reculerent pour sortir des nuages de fumee et pour
se reconnaitre, ils virent bien des vides dans leurs escadrons.
Chez les Cosaques, trois hommes au plus avaient peri, et ils
continuaient incessamment leur feu de mousqueterie. L'ingenieur
etranger s'etonna lui-meme de cette tactique qu'il n'avait jamais
vu employer, et il dit a haute voix:
-- Ce sont des braves, les Zaporogues! Voila comment il faut se
battre dans tous les pays.
Il donna le conseil de diriger les canons sur le camp fortifie des
Cosaques. Les canons de bronze rugirent sourdement par leurs
larges gueules; la terre trembla au loin, et toute la plaine fut
encore noyee sous des flots de fumee. L'odeur de la poudre
s'etendit sur les places et dans les rues des villes voisines et
lointaines; mais les canonniers avaient pointe trop haut. Les
boulets rougis decrivirent une courbe trop grande; ils volerent,
en sifflant, par-dessus la tete des Cosaques, et s'enfoncerent
profondement dans le sol en labourant au loin la terre noire. A la
vue d'une pareille maladresse, l'ingenieur francais se prit par
les cheveux et pointa lui-meme les canons, quoique les Cosaques
fissent pleuvoir les balles sans relache.
Tarass avait vu de loin le
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