lonel de la
ville de Boudjak. Plus grand et plus gros que tous les autres, il
etait serre dans son riche caftan. Plus loin, pres d'une porte
laterale, se tenait un autre colonel, petit homme maigre et sec.
Ses petits yeux vifs lancaient des regards percants sous leurs
sourcils epais. Il se tournait avec vivacite, en designant les
postes de sa main effilee, et distribuant des ordres. On voyait
que, malgre sa taille chetive, c'etait un homme de guerre. Pres de
lui se trouvait un officier long et fluet, portant d'epaisses
moustaches sur un visage rouge. Ce Seigneur aimait les festins et
l'hydromel capiteux. Derriere eux etait groupee une foule de
petits gentillatres qui s'etaient armes, les uns a leurs propres
frais, les autres aux frais de la couronne, ou avec l'aide de
l'argent des juifs, auxquels ils avaient engage tout ce que
contenaient les petits castels de leurs peres. Il y avait encore
une foule de ces clients parasites que les senateurs menaient avec
eux pour leur faire cortege, qui, la veille, volaient du buffet ou
de la table quelque coupe d'argent, et, le lendemain, montaient
sur le siege de la voiture pour servir de cochers. Enfin, il y
avait la de toutes especes de gens. Les rangs des Cosaques se
tenaient silencieusement devant les murs; aucun d'entre eux ne
portait d'or sur ses habits; on ne voyait briller, par-ci par-la,
les metaux precieux que sur les poignees des sabres ou les crosses
des mousquets. Les Cosaques n'aimaient pas a se vetir richement
pour la bataille; leurs caftans et leurs armures etaient fort
simples, et l'on ne voyait, dans tous les escadrons, que de
longues files bigarrees de bonnets noirs a la pointe rouge.
Deux Cosaques sortirent des rangs des Zaporogues. L'un etait tout
jeune, l'autre un peu plus age; tous deux avaient, selon leur
facon de dire, de bonnes dents pour mordre, non seulement en
paroles, mais encore en action. Ils s'appelaient Okhrim Nach et
Mikita Colokopitenko. Demid Popovitch les suivait, vieux Cosaque
qui hantait depuis longtemps la _setch_, qui etait alle jusque
sous les murs d'Andrinople, et qui avait souffert bien des
traverses en sa vie. Une fois, en se sauvant d'un incendie, il
etait revenu a la _setch_, avec la tete toute goudronnee, toute
noircie, et les cheveux brules. Mais depuis lors, il avait eu le
temps de se refaire et d'engraisser; sa longue touffe de cheveux
entourait son oreille, et ses moustaches avaient repousse noires
et epaisses. Popovitch etait
|