dent
les talons par derriere, et de facon a faire crier. Et puis, s'il
faut dire la verite, nous n'avons pas assez de canots en reserve,
ni assez de poudre pour que nous puissions tous partir. Du reste,
je suis pret a faire ce qui vous convient, je suis le serviteur de
votre volonte.
Le ruse _kochevoi_ se tut. Les groupes commencerent a
s'entretenir; les _atamans_ des _koureni_ entrerent en conseil.
Par bonheur, il n'y avait pas beaucoup de gens ivres dans la
foule, et les Cosaques se deciderent a suivre le prudent avis de
leur chef.
Quelques-uns d'entre eux passerent aussitot sur la rive du Dniepr,
et allerent fouiller le tresor de l'armee, la ou, dans des
souterrains inabordables, creuses sous l'eau et sous les joncs, se
cachait l'argent de la _setch_, avec les canons et les armes pris
a l'ennemi. D'autres s'empresserent de visiter les canots et de
les preparer pour l'expedition. En un instant, le rivage se
couvrit d'une foule animee. Des charpentiers arrivaient avec leurs
haches; de vieux Cosaques hales, aux moustaches grises, aux
epaules larges, aux fortes jambes, se tenaient jusqu'aux genoux
dans l'eau, les pantalons retrousses, et tiraient les canots avec
des cordes pour les mettre a flot. D'autres trainaient des poutres
seches et des pieces de bois. Ici, l'on ajustait des planches a un
canot; la, apres l'avoir renverse la quille en l'air, on le
calfatait avec du goudron; plus loin, on attachait aux deux flancs
du canot, d'apres la coutume cosaque, de longues bottes de joncs,
pour empecher les vagues de la mer de submerger cette frele
embarcation. Des feux etaient allumes sur tout le rivage. On
faisait bouillir la poix dans des chaudrons de cuivre. Les
anciens, les experimentes, enseignaient aux jeunes. Des cris
d'ouvriers et les bruits de leur ouvrage retentissaient de toutes
parts. La rive entiere du fleuve se mouvait et vivait.
Dans ce moment, un grand bac se montra en vue du rivage. La foule
qui l'encombrait faisait de loin des signaux. C'etaient des
Cosaques couverts de haillons. Leurs vetements deguenilles
(plusieurs d'entre eux n'avaient qu'une chemise et une pipe)
montraient qu'ils venaient d'echapper a quelque grand malheur, ou
qu'ils avaient bu jusqu'a leur defroque. L'un d'eux, petit, trapu,
et qui pouvait avoir cinquante ans, se detacha de la foule, et
vint se placer sur l'avant du bac. Il criait plus fort et faisait
des gestes plus energiques que tous les autres; mais le bruit des
travailleu
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