e charite. Vous
n'avez pas le droit, jeune fille, de prononcer sur moi les paroles de
l'absolution. Le pretre lui-meme n'a pas cette haute mission que l'orgueil
ecclesiastique lui attribue. Mais vous pouvez me communiquer la grace
divine en m'aimant. Votre amour peut me reconcilier avec le ciel, et me
donner l'oubli des jours qu'on appelle l'histoire des siecles passes...
Vous me feriez de la part du Tout-Puissant les plus sublimes promesses,
que je ne pourrais vous croire; je ne verrais en cela qu'un noble et
genereux fanatisme. Mettez la main sur votre coeur, demandez-lui si ma
pensee l'habite, si mon amour le remplit, et s'il vous repond __oui_, ce
_oui_ sera la formule sacramentelle de mon absolution, le pacte de ma
rehabilitation, le charme qui fera descendre en moi le repos, le bonheur,
l'_oubli!_ C'est ainsi seulement que vous pourrez etre la pretresse de
mon culte, et que mon ame sera deliee dans le ciel, comme celle du
catholique croit l'etre par la bouche de son confesseur. Dites que vous
m'aimez, s'ecria-t-il en se tournant vers elle avec passion comme pour
l'entourer de ses bras." Mais elle recula, effrayee du serment qu'il lui
demandait; et il retomba sur les ossements en exhalant un gemissement
profond, et en s'ecriant: "Je savais bien qu'elle ne pourrait pas m'aimer,
que je ne serais jamais pardonne, que je n'_oublierais_ jamais les jours
ou je ne l'ai pas connue!
--Albert, cher Albert, dit Consuelo profondement emue de la douleur qui
le dechirait, ecoutez-moi avec un peu de courage. Vous me reprochez de
vouloir vous leurrer par l'idee d'un miracle, et cependant vous m'en
demandez un plus grand encore. Dieu, qui voit tout, et qui apprecie nos
merites, peut tout pardonner. Mais une creature faible et bornee, comme
moi surtout, peut-elle comprendre et accepter, par le seul effort de sa
pensee et de son devouement, un amour aussi etrange que le votre? Il me
semble que c'est a vous de m'inspirer cette affection exclusive que vous
demandez, et qu'il ne depend pas de moi de vous donner, surtout lorsque je
vous connais encore si peu. Puisque nous parlons ici cette langue mystique
de la devotion qui m'a ete un peu enseignee dans mon enfance, je vous
dirai qu'il faut etre en etat de grace pour etre releve de ses fautes.
Eh bien, l'espece d'absolution que vous demandez a mon amour, la
meritez-vous? Vous reclamez le sentiment le plus pur, le plus tendre, le
plus doux; et il me semble que votre ame n'est disposee ni
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