eres ni assez energiques? Parlez, Albert; que dois-je croire de ce
qu'on m'a dit de vous?
--Si l'on vous a dit que je preferais la reforme des Hussites a celle des
Lutheriens, et le grand Procope au vindicatif Calvin, autant que je
prefere les exploits des Taborites a ceux des soldats de Wallenstein, on
vous a dit la verite, Consuelo. Mais que vous importe ma croyance, a vous
qui, par intuition, pressentez la verite, et connaissez la Divinite mieux
que moi? A Dieu ne plaise que je vous aie attiree dans ce lieu pour
surcharger votre ame pure et troubler votre paisible conscience des
meditations et des tourments de ma reverie! Restez comme vous etes,
Consuelo! Vous etes nee pieuse et sainte; de plus, vous etes nee pauvre
et obscure, et rien n'a tente d'alterer en vous la droiture de la raison
et la lumiere de l'equite. Nous pouvons prier ensemble sans discuter,
vous qui savez tout sans avoir rien appris, et moi qui sais fort peu apres
avoir beaucoup cherche. Dans quelque temple que vous ayez a elever la
voix, la notion du vrai Dieu sera dans votre coeur, et le sentiment de la
vraie foi embrasera votre ame. Ce n'est donc pas pour vous instruire,
mais pour que la revelation passe de vous en moi, que j'ai desire l'union
de nos voix et de nos esprits devant cet autel, construit avec les
ossements de mes peres.
--Je ne me trompais donc pas en pensant que ces nobles restes, comme vous
les appelez, sont ceux des Hussites precipites par la fureur sanguinaire
des guerres civiles dans la citerne du Schreckenstein, a l'epoque de
votre ancetre Jean Ziska, qui en fit, dit-on, d'horribles represailles. On
m'a raconte aussi qu'apres avoir brule le village, il avait fait combler
le puits. Il me semble que je vois, dans l'obscurite de cette voute,
au-dessus de ma tete, un cercle de pierres taillees qui annonce que nous
sommes precisement au-dessous de l'endroit ou plusieurs fois je suis venue
m'asseoir, apres m'etre fatiguee a vous chercher en vain. Dites, comte
Albert, est-ce en effet le lieu que vous avez, m'a-t-on dit, baptise la
Pierre d'Expiation?
--Oui, c'est ici, repondit Albert, que des supplices et des violences
atroces ont consacre l'asile de ma priere et le sanctuaire de ma douleur.
Vous voyez d'enormes blocs suspendus au-dessus de nos tetes, et d'autres
parsemes sur les bords de la source. La forte main des Taborites les y
lanca, par l'ordre de celui qu'on appelait _le redoutable aveugle_; mais
ils ne servirent qu'a repo
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