de ses deux mains
le corps inerte de sa mere, et ne pouvant arracher l'oreiller de sa
figure, il cria, en baisant sa robe:
--Maman, maman, ma pauvre maman, regarde-moi!
Elle aurait semble morte si tous ses membres n'eussent ete parcourus
d'un fremissement presque insensible, d'une vibration de corde tendue.
Il repetait:
--Maman, maman, ecoute-moi. Ca n'est pas vrai. Je sais bien que ca n'est
pas vrai.
Elle eut un spasme, une suffocation, puis tout a coup elle sanglota dans
l'oreiller. Alors tous ses nerfs se detendirent, ses muscles raidis
s'amollirent, ses doigts s'entr'ouvrant lacherent la toile; et il lui
decouvrit la face.
Elle etait toute pale, toute blanche, et de ses paupieres fermees on
voyait couler des gouttes d'eau. L'ayant enlacee par le cou, il lui
baisa les yeux, lentement, par grands baisers desoles qui se mouillaient
a ses larmes, et il disait toujours:
--Maman, ma chere maman, je sais bien que ca n'est pas vrai. Ne pleure
pas, je le sais! Ca n'est pas vrai!
Elle se souleva, s'assit, le regarda, et avec un de ces efforts de
courage qu'il faut, en certains cas, pour se tuer, elle lui dit:
--Non, c'est vrai, mon enfant.
Et ils resterent sans paroles, l'un devant l'autre. Pendant quelques
instants encore elle suffoqua, tendant la gorge, en renversant la tete
pour respirer, puis elle se vainquit de nouveau et reprit:
--C'est vrai, mon enfant. Pourquoi mentir? C'est vrai. Tu ne me croirais
pas, si je mentais.
Elle avait l'air d'une folle. Saisi de terreur, il tomba a genoux pres
du lit en murmurant:
--Tais-toi, maman, tais-toi.
Elle s'etait levee, avec une resolution et une energie effrayantes.
--Mais je n'ai plus rien a te dire, mon enfant, adieu.
Et elle marcha vers la porte.
Il la saisit a pleins bras, criant:
--Qu'est-ce que tu fais, maman, ou vas-tu?
--Je ne sais pas ... est-ce que je sais ... je n'ai plus rien a faire
... puisque je suis toute seule.
Elle se debattait pour s'echapper. La retenant, il ne trouvait qu'un mot
a lui repeter:
--Maman ... maman ... maman...
Et elle disait dans ses efforts pour rompre cette etreinte:
--Mais non, mais non, je ne suis plus la mere maintenant, je ne suis
plus rien pour toi, pour personne, plus rien, plus rien! Tu n'as plus ni
pere ni mere, mon pauvre enfant ... adieu.
Il comprit brusquement que s'il la laissait partir il ne la reverrait
jamais, et, l'enlevant, il la porta sur un fauteuil, l'assit de force,
pui
|