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n moi une femme, par la raison que vous n'aimiez les femmes qu'avec beaucoup de grossierete. Je me suis donc crue a l'abri de l'outrage de vos desirs, et, de tout ce que j'estimais en vous, votre sincerite sur ce point est ce que j'estimai le plus. Je m'attachais a votre destinee avec d'autant plus d'abandon que nous nous etions dit en riant, souvenez-vous, mais serieusement au fond: "Entre deux etres dont l'un est idealiste, et l'autre materialiste, il y a la mer Baltique." --Je l'ai dit de bonne foi, et je me suis mis avec confiance a marcher le long de mon rivage, sans avoir l'idee de traverser; mais il s'est trouve que, de mon cote, la glace ne portait pas. Est-ce ma faute si j'ai vingt-quatre ans et si vous etes belle? --Est-ce que je suis encore belle? J'esperais que non! --Je n'en sais rien, je ne trouvais pas d'abord, et puis, un beau jour, vous m'etes apparue comme cela. Quant a vous, c'est sans le vouloir, je le sais bien; mais c'est sans le vouloir aussi que j'ai ressenti cette seduction, tellement sans le vouloir, que je m'en suis defendu et distrait. J'ai rendu a Satan ce qui appartient a Satan, c'est-a-dire ma pauvre ame, et je n'ai apporte ici a Cesar que ce qui revient a Cesar, mon respect et mon silence. Voila huit ou dix jours pourtant que cette mauvaise emotion me revient en reve. Elle se dissipe des que je suis aupres de vous. Ma parole d'honneur, Therese, quand je vous vois, quand vous me parlez, je suis calme. Je ne me souviens plus d'avoir crie apres vous dans un moment de demence auquel je ne comprends rien moi-meme. Quand je parle de vous, je dis que vous n'etes pas jeune ou que je n'aime pas la couleur de vos cheveux. Je proclame que vous etes ma grande camarade, c'est-a-dire mon frere, et je me sens loyal en le disant. Et puis il passe je ne sais quelles bouffees de printemps dans l'hiver de mon imbecile de coeur, et je me figure que c'est vous qui me les soufflez. C'est vous, en effet, Therese, avec votre culte pour ce que vous appelez le veritable amour! cela donne a penser, malgre qu'on en ait! --Je crois que vous vous trompez, je ne parle jamais d'amour. --Oui, je le sais. Vous avez a cet egard un parti pris. Vous avez lu quelque part que parler d'amour, c'etait deja en donner ou en prendre; mais votre silence a une grande eloquence, vos reticences donnent la fievre et votre excessive prudence a un attrait diabolique! --En ce cas, ne nous voyons plus, dit Therese. --Pourquoi?
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