ais elle ne fit pas de resistance.
Cecilia me conduisit en face d'un tableau place dans l'alcove virginale
de ma jeune amante, et je reconnus une _Madoneta col Bambino_ que
j'avais peinte et vendue a Turin deux ans auparavant a un marchand de
tableaux. Cela etait fort naif, mais d'un sentiment assez vrai pour que
je pusse le revoir sans humeur. Cecilia l'avait achete, a son dernier
voyage, pour sa jeune amie, et alors on me confessa que, depuis deux
mois, Stella, en entendant parler souvent de moi aux Boccaferri et
a Celio, avait vivement desire me connaitre. Cecilia avait nourri
d'avance, et sans le lui dire, la pensee que notre union serait un beau
reve a realiser. Stella semblait l'avoir devine.
--Il est certain, me dit-elle, que lorsque je vous ai vu ramasser le
noeud cerise, j'ai eprouve quelque chose d'extraordinaire que je ne
pouvais m'expliquer a moi-meme; et que, quand Celio est venu nous dire,
le lendemain, que le _ramasseur de rubans_, comme il vous appelait,
etait encore dans le village, et se nommait Adorno Salentini, je me suis
dit, follement peut-etre, mais sans douter de la destinee, que la mienne
etait accomplie.
Je ne saurais exprimer dans quel naif ravissement me plongea ce jeune et
pur amour d'une fille encore enfant par la fraicheur et la simplicite,
deja femme par le devouement et l'intelligence. Lorsque la cloche nous
avertit de nous rendre au theatre, j'etais un peu fou. Celio vit mon
bonheur dans mes yeux, et ne le comprenant pas, il fut mechant et brutal
a faire plaisir. Je me laissai presque insulter par lui; mais le soir
j'ignore ce qui s'etait passe. Il me parut plus calme et me demanda
pardon de sa violence, ce que je lui accordai fort genereusement.
Je dirai encore quelques mots de notre theatre avant d'arriver au
denoument, que le lecteur sait d'avance. Presque tous les soirs nous
entreprenions un nouvel essai. Tantot c'etait un opera: tous les
acteurs etant bons musiciens, meme moi, je l'avoue humblement et sans
pretention, chacun tenait le piano alternativement. Une autre fois,
c'etait un ballet; les personnes serieuses se donnaient a la pantomime,
les jeunes gens dansaient d'inspiration, avec une grace, un abandon
et un entrain qu'on eut vainement cherches dans les poses etudiees du
theatre. Boccaferri etait admirable au piano dans ces circonstances. Il
s'y livrait aux plus brillantes fantaisies, et, comme s'il eut dicte
imperieusement chaque geste, chaque intention de ses personn
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