tinee, et qu'ils se virent exposes a cette formidable concurrence d'un
joli chien et d'un bel enfant, ils pousserent de grands cris; mais
le roi les fit taire en les menacant des _Petites Affiches_, ou se
rencontraient, en ce temps-la, tant de grands ministres et d'excellentes
dames d'honneur.
L'enfant fut appele d'un nom arabe qui signifie "arrache des flots".
Quant au chien, on l'appela d'un nom francais qui veut dire "le bon
pilote".
Enfin la reine et le roi s'occupaient nuit et jour de l'un et de
l'autre, a tel point, qu'on disait qu'ils perdaient le boire et le
manger. Cette incessante preoccupation aurait tres bien pu nuire a
la gloire, a l'honneur du roi Lysis. Comme il laissait a ses ennemis
beaucoup trop du loisir, il advint qu'une nuit du mois de decembre on
entendit un grand bruit dans le chateau; c'etaient les ennemis du roi
Lysis qui s'introduisaient dans la citadelle. Mais (rendons-lui son vrai
nom) le sage Azor, reveillant doucement son jeune maitre, lui mit entre
les mains une trompette achetee a la foire du Ludistan, et l'enfant, sur
cette trompette, essaya, d'un souffle ingenu, l'air nouveau de _Malbroug
s'en va-t-en guerre_. Bien qu'il fut assis en ce moment sur les marches
du trone, nous ne voulons pas flatter le petit Noemi (rendons-lui aussi
son nom): il etait un tres chetif musicien; il ecorchait de la belle
sorte le fameux air _Malbroug s'en va-t-en guerre_, et les courtisans
les plus subtils se bouchaient les oreilles aux premiers cris de la
rauque trompette. Eh bien, voila justement ce qui sauva le trone de
Lysis et de Lysida; les ennemis qui s'etaient empares du chateau, voyant
que pas un n'accourait a leur rencontre, s'etonnerent et s'inquieterent.
"Il faut vraiment, disait le general ennemi, que l'on me tende un piege;
halte-la!" Mais quand il entendit la trompette invisible et la chanson
_Malbroug s'en va-t-en guerre_, il cria: "Sauve qui peut!" Voila
comment, par la presence d'esprit d'un si bon chien et par une trompette
en fer-blanc dont on ne voudrait pas a la foire de Saint-Cloud, fut
delivre le chateau de Lysis-Lysida.
Le lendemain de cette nuit terrible, accourut le peuple enthousiaste en
criant: Vive la reine et vive le roi! "En ai-je assez battus!" disait
Lysis. "En avons-nous assez malmenes?" disait Lysida. Le ministre et la
dame d'honneur avaient leur part dans cette gloire improvisee, et pas un
mot de l'epagneul Azor, pas un mot du petit Noemi et de sa trompette. En
ce tem
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