fit d'abord une assez mediocre attention a l'inconnue,
et le nom de Mme la duchesse de Noailles ne fut pas tout d'abord une
recommandation toute-puissante. Helas! ces Noailles, les rois de la cour
de Louis XIV, avaient etrangement perdu de leur credit depuis que Mme de
Maintenon s'etait retiree a Saint-Cyr; mais quoi! ce mauvais mouvement
aussitot passe, M. de Malezieu en rougit au fond de l'ame, et sa bonne
volonte se trouvant appuyee des merites et des grands yeux de Mlle de
Launay:
--Soyez la bienvenue, lui dit-il, je vous presenterai tantot a Mme la
duchesse du Maine, et j'espere un peu qu'a ma consideration elle vous
sera propice. Elle aime a s'entourer d'intelligence et de jeunesse, et
votre air lui plaira tout d'abord. Cependant soyez forte et courageuse;
il ne s'agit pour vous, Mademoiselle, que d'une humble fortune, et,
malgre tous vos merites, j'ai bien peur que vous ne depassiez jamais
l'antichambre de notre princesse. Au fait, reprit-il, avec ces princes
on ne sait jamais si l'on ne fera pas une grande fortune en vingt-quatre
heures. Essayez donc, et comptez sur moi.
Le soir meme, en effet, M. de Malezieu, autorise par Mme la duchesse du
Maine, eut l'honneur de lui presenter la timide et tremblante Mme de
Launay. Certes, elle avait grand besoin de courage; mais sa timidite
redoubla lorsqu'elle vit que son protecteur se courbait jusqu'a terre
en presence de cette quasi-reine. A peine la princesse honora d'un coup
d'oeil cette humble servante, et elle passa dans ses appartements sans
lui expliquer l'office qu'elle en attendait. M. de Malezieu, de son
cote, avait tres bien compris qu'il presentait a Mme la duchesse une
servante. Ainsi la voila perdue en cette grande maison, sans un ami qui
la rassure ou qui lui donne un bon conseil. Il y avait a Sceaux trois
tables; la table des maitres, celle des officiers, la table des valets:
a cette derniere table elle prit place, elle se contint pour ne pas
laisser voir sa tristesse. Une femme de la garde-robe en eut pitie et
l'encouragea; puis, s'etant informee, elle revint en grand triomphe
annoncer a sa nouvelle camarade qu'elle etait attachee a la personne de
Mme la duchesse du Maine en qualite de troisieme femme de chambre, et
qu'elle coucherait avec les femmes de la princesse, a l'entre-sol. Au
compte de la vieille dame, c'etait la, pour la nouvelle venue, une
fortune inesperee, et deja, pour commencer, Mme la duchesse du Maine
avait commande que Mlle de Launay l
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