Il
a deux fenetres etroites, dont l'une est au nord, et donne sur la partie
la plus large du fosse et sur un paysage charmant. Il est meuble en
indienne, bleu et blanc, a une cheminee et une petite glace. C'est la
que couche ma gouvernante, Mlle Jaillie."
Lorsqu'il fallait se mettre au niveau des bonnes gens de la campagne et
partager leurs amusements, la belle Laurette etait la premiere a les
encourager: "Il y avait eu, le matin, dans notre village, un mariage
auquel nous avions assiste; et, le soir, toute la noce etait venue
danser au chateau. La mariee n'est point jolie; elle n'a que de belles
dents et vingt-deux ans. Le marie est fort laid aussi, trente-cinq ans,
et n'est point de ce village-ci. J'ai presque toujours danse avec lui,
et mon cousin avec son epouse. Ils viennent encore ici aujourd'hui pour
faire le lendemain."
Et, pendant que cette aimable enfant s'amuse avec tant de belle grace
innocente, deja la mort s'avance. Elle souffre, elle est malade; elle
eprouve un je ne sais quoi qui est semblable a l'ennui. Sa jeune amie
et confidente, helas! la voila qui se marie. Un jeune homme, un certain
Lucenax, son cousin, au coeur tendre, a l'esprit frivole, a delaisse la
charmante Laurette. Il aime ailleurs. Il va, il vient; on lui pardonne:
"Zest! le voila qui s'echappe encore!" Elle pleure, elle rit, elle
oublie.
Peu a peu, cela devait etre, au fond de ces rires on entend le sanglot.
L'enfant deja n'est plus qu'une fille serieuse, obeissant aux tristesses
d'alentour. A peine elle a dix-neuf ans, qu'elle dirait volontiers,
comme autrefois Valentine de Milan: "Rien ne m'est plus, plus ne m'est
rien!" C'est qu'en effet la voila tout simplement qui se meurt. Il n'y a
rien de plus triste et de plus doux que les derniers jours de l'aimable
Laurette. Elle met en ordre toutes choses, et puis elle dit: "Je
voudrais voir M. Tronchin." C'etait le medecin a la mode. Il se rendit
chez Laurette, et cet homme lasse de tout, le temoin de tous les
desespoirs silencieux, de toutes les douleurs muettes, et des plus
terribles agonies que contenaient ces temps de desordre et de doute,
comme il dut etre etonne et charme de cette enfant resignee et calme et
regardant la mort sans palir!
Toutefois, malgre notre juste et sincere admiration pour cette aimable
demoiselle, il nous semble, en fin de compte, qu'elle eut laisse pour
les jeunes filles d'aujourd'hui un plus heureux et plus utile exemple,
avec moins de zele a des etude
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