n assure que Mme la duchesse du Maine irait bien vite au
dela de toutes les bornes, il lui fit proposer d'entrer dans une vaste
conspiration qui mettrait le roi d'Espagne a la tete du gouvernement de
la France, et M. le duc du Maine pour representer Sa Majeste Catholique.
Tel fut le commencement de cette conspiration, qui n'interrompit aucune
des fetes qui s'agitaient autour de la princesse. On ne parlait que des
plaisirs de Sceaux: concerts, proverbes, comedies, bals et toilettes.
Dans ce tumulte, on aurait eu grand'peine a reconnaitre Mlle de Launay;
elle etait enfouie en cet entre-sol sans lumiere, et si bas, qu'elle
touchait le plafond de sa tete. On l'employait a la lingerie, et chacun
l'appelait _la maladroite_. Elle etait si troublee, et plus elle
s'efforcait de bien faire, et moins elle etait au niveau de sa tache.
Une fois qu'elle versait a boire a la princesse, elle jeta l'eau sur sa
robe; une autre fois, comme elle lui presentait sa boite a poudre, elle
laissa tomber la boite; ou bien elle oubliait un manche a la chemise,
et, s'il fallait oter de son ecrin le collier de la princesse, elle
renversait perles et pierreries. Tout allait mal. Puis elle avait froid,
elle etait triste, elle repondait mal a ses camarades; elle aimait a
lire, les femmes de chambre la troublaient dans ses lectures. Il fallait
plaire a celle-ci, ne pas deplaire a celle-la, visiter les desoeuvrees,
leur faire une espece de cour et jouer a des jeux qui leur plaisaient.
Que vous dirai-je? elle etait si malheureuse en ce chateau des
splendeurs, qu'elle en fut sortie, et pour n'y plus rentrer, si elle
n'ont pas trouve sur sa table un petit billet anonyme et d'une ecriture
contrefaite, dont elle eut bientot devine l'auteur:
"Prenez patience; ayez bon courage; on veille sur vous. On se rappelle
les temps heureux ou vous n'etiez aux ordres de personne, ou vous
donniez des ordres et n'en receviez pas..."
Pendant deux ou trois jours, la jeune abandonnee eut une certaine
esperance; elle se disait que sa servitude, avec le temps, deviendrait
moins pesante; elle esperait toujours que la princesse comprendrait
qu'elle avait a ses ordres une fille au-dessus de sa condition. Sur
l'entrefaite, il y eut un petit evenement qui la mit quelque peu en
lumiere. A la facon du roi Louis XIV, qui avait tire un si grand
parti, pour ses dernieres guerres, de la creation des chevaliers de
Saint-Louis, Mme la duchesse du Maine avait institue l'ordre de la
_Mouc
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