ce de Conti. Mais la vaillante femme, au fond de ce carrosse plein
de tenebres et de menaces, s'etait resignee en chretienne, et quand elle
entra dans le chateau de son ravisseur, comme elle vit sur la muraille
un crucifix, elle attesta la sainte image, et prit a temoin Bussy
lui-meme qu'elle n'aurait plus d'autre epoux que Notre-Seigneur
Jesus-Christ. Bussy courba la tete et reconduisit Mme de Miramion chez
elle, implorant son pardon, qu'elle lui accorda par charite; et ce fut
heureux pour le comte de Bussy, le roi l'eut fait jeter a la Bastille
pour le reste de ses jours.
[Illustration: Mlle de Launay.]
Mme de Miramion etait morte dans l'exercice austere des plus fortes et
des plus genereuses vertus, apres avoir fonde un admirable asile ou les
jeune filles sans fortune et les pauvres veuves desheritees trouveraient
aide et protection. Ce lieu d'asile prit le nom de sa fondatrice, et les
dames s'appelaient les _Miramiones_. C'est en ce lieu que l'orpheline
etait appelee par le voeu de sa mere adoptive autant que par sa
pauvrete.
II
Le coup fut rude, et la pauvre abandonnee eut un eblouissement a la
lecture de cette lettre funebre; heureusement que son ame etait forte et
que toutes ces gateries maternelles n'avaient pu en affaiblir la trempe.
Aussi, bientot calmee, elle considera de sang-froid sa situation et
la contempla, sinon avec courage, au moins sans desespoir. Ce qu'elle
comprit tout de suite, meme dans les regards de Mlle de Silly, c'est
qu'en ce grand naufrage elle ne pouvait compter que sur sa prudence et
sa resignation. La route etait longue et difficile, en ce temps-la, de
la province de Normandie a la grande ville, et le premier soin de la
jeune fille, apres avoir cherche mais en vain une compagne, fut de
prendre un habit qui lui permit d'etre inconnue. Elle partit vetue
en paysanne, et Mlle de Silly lui dit adieu sans trop d'emotion. Le
carrosse de voiture (on parlait ainsi en ce temps-la) etait un vieux
coche attele de vieux chevaux qui marchaient une demi-journee, et chaque
soir les voyageurs couchaient a l'auberge. Ils ne firent pas grande
attention a la jeune Normande, et meme, au second jour de ce long
voyage, elle fut pour ainsi dire adoptee par une vieille dame qui lui
servit de chaperon.
En ce moment la France entiere etait occupee de la maladie a laquelle
le vieux roi Louis XIV devait succomber. Les voyageurs demandaient, a
chaque relais, quelles etaient les nouvelles de Sa Majeste, n
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