ui presentat son eventail.
C'etait un soir de grand appartement; cent visiteurs, les plus huppes
de l'ancienne cour: ducs et pairs et cordons bleus, parmi lesquels
s'etaient faufiles plus d'un cordon rouge, entouraient les tables de
jeu, M. du Maine etant beau joueur et perdant l'or a pleines mains. Le
jeu, en ce temps-la, faisait de grands ravages parmi les fortunes les
mieux etablies; les plus grands seigneurs jouaient sur une carte leur
revenu d'une annee, et les dames les plus qualifiees, quand leur bourse
etait vide, n'avaient pas bonte de jouer sur leur parole. Il a cela
d'horrible encore, le jeu, qu'il egalise toutes les conditions.
A la table ou ces grands seigneurs s'abandonnaient a leur frenesie, il y
avait un vieillard, en habit bleu de ciel brode d'or, dont les boutons
brillaient comme des diamants; ses dentelles, son justaucorps en satin,
ses bas de soie et ses talons rouges indiquaient un vieux marquis de
l'Oeil-de-Boeuf; son attitude hardie et ses grands gestes, sa voix
imperieuse et plus haute que d'habitude, indiquaient un comedien.
C'etait Baron, le disciple ingrat, le fils adoptif de Moliere. Il etait,
ce Baron, un comedien de genie; il ecrivait des comedies a ses heures
perdues; il s'escrimait volontiers de l'epee et du bel esprit. Au
demeurant, vantard, joueur, familier, prenant au serieux son sceptre et
son trone. Un soir qu'il jouait avec S.A.R. le prince de Conti: "Cent
louis, dit-il, pour le prince de Conti.--Va pour Germanicus, repondit
Son Altesse Royale;" et Baron fut le seul qui ne comprit pas la grace et
l'exquis de cette inutile lecon. Il s'etait faufile dans les fetes de
Sceaux par la comedie, et plus d'une fois il eut l'honneur de donner
la replique a Mme la duchesse du Maine. Il y avait dans un coin de
ce salon, assises sur des bergeres dignes du salon de la reine a
Versailles, une vingtaine de dames tres parees, et, sur des tabourets,
a leurs pieds, des poetes et de jeunes seigneurs qui causaient avec les
dames. Au milieu du cercle, et sur un fauteuil, etait assise Mme la
duchesse du Maine, et, debout, pres d'elle, un jeune officier, qui lui
racontait des choses plaisantes, s'il en fallait juger par le rire
eclatant de la princesse.
Or ce fut en ce moment que Mlle de Launay, toute confuse et troublee au
murmure etincelant de cet esprit qui petillait sous ces lambris dores et
charges de peintures, entra d'un pas tremblant, et tenant a la main un
plateau en laque, sur lequel etait p
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