d'Espagne etait un jeune homme
etourdi, sans portee, et tout entier aux plaisirs de son age. Un soir
qu'il etait attendu a souper dans une de ces maisons ouvertes aux oisifs
de Paris, il raconta qu'il avait ete occupe tout le jour a copier des
depeches qui devaient partir dans la nuit meme, et, comme il etait las
de sa besogne, il ne songea plus qu'a boire, a jouer, a plaisanter. Mais
quelqu'un du logis, une femme, avait ramasse cette parole imprudente et
la fit passer a M. le regent. Celui-ci fit courir apres le courrier de
l'ambassade, avec ordre de s'emparer de ses depeches, et ce courrier,
qui ne se hatait guere, fut arrete a Poitiers. On lui prit son manteau
et son portefeuille, en lui commandant de suivre son chemin; mais cet
homme, aussi zele que le secretaire avait ete imprudent, revint a Paris
par la traverse et marcha si vite, qu'il arriva chez le prince de
Cellamare bien avant que les hommes de M. le regent eussent regagne le
Palais-Royal. Bien qu'il fut quatre heures du matin, M. le regent etait
encore a souper, et quand il soupait il n'y avait pas d'affaire d'Etat
assez importante pour qu'on vint le deranger. Il aimait le bel esprit,
la grace et la gaiete du discours; il travaillait volontiers toute la
journee, a condition que la nuit appartiendrait a ses plaisirs.
Grace a cette nonchalance coupable, le prince de Cellamare eut le temps
d'avertir les principaux complices de sa conspiration. Toutefois, le
matin venu, l'ambassadeur d'Espagne est arrete dans son hotel par
MM. les gardes du corps du roi; ses papiers sont saisis par ordre du
ministre, et, la nouvelle ayant couru de Paris a Sceaux, la duchesse du
Maine apprit enfin les dangers qui l'entouraient. Elle jouait au biribi,
son jeu favori, quand elle entendit raconter, par un temoin venu de la
ville, ces histoires d'hommes enfermes a la Bastille, de papiers saisis
et de gens compromis dont la tete etait en jeu; l'infortunee eut encore
la force de sourire. Elle apprit, l'instant d'apres, que MM. d'Argenson
et Leblanc, deux hommes rigides, etaient charges d'interroger les
accuses. A minuit, la duchesse fut avertie, a n'en pas douter, qu'elle
serait arretee avec M. le duc du Maine, et que sa demoiselle de
compagnie etait compromise. Elle riait encore; elle ne pouvait croire a
rien de serieux; elle s'imaginait que cette conspiration etait un jeu
d'enfant.
Cependant Mlle de Launay restait pres d'elle, et, comme elle s'etait
endormie, elle fut reveillee pa
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