i tard au
chevet de Mme la duchesse du Maine. Elle repondit que c'etait pour
l'endormir.
--Pourquoi avait-on trouve tant de livres dans sa chambre?
Elle repondit que c'etait parce qu'elle aimait la lecture.
--Et pourquoi tant de papier dechire?
C'etaient des bagatelles qu'elle avait composees et dont elle ne se
souciait plus.
Puis elle fut reconduite a son sequestre, et, quelque peu rassuree,
elle trouva que son etat etait assez doux, a tout prendre. Elle etait
prisonniere, il est vrai, mais elle etait loin des caprices, des
violences et des volontes de sa douce maitresse; elle avait brise le
joug des petites voix qui faisaient le tourment de sa vie; elle avait
fait de sa servante une amie, et pour compagne elle avait une jolie
chatte que le gouverneur lui avait donnee etant petite, et qui avait
fait bien des petits. Puis, le soir venu, elle n'etait pas forcee a
jouer la comedie, a manier des cartes, et elle se couchait quand elle
voulait dormir.
* * * * *
Cette conspiration de Cellamare, qui eut fait tomber plus d'une tete
sous la hache inexorable du cardinal de Richelieu, devint bientot, entre
les mains bienveillantes de M. le regent, une entreprise assez ridicule,
et plutot faite pour amuser les oisifs que pour occuper les hommes
d'Etat. M. le regent se contenta du nouvel abaissement impose aux
princes legitimes, et quand on lui rapportait les vociferations de Mme
la duchesse du Maine, il en riait volontiers, acceptant les douleurs de
la princesse en dedommagement des humiliations qu'elle lui avait fait
subir dans le salon de Mme de Maintenon.
Puis, dans ce plaisant pays de France, on n'est pas fache de changer
chaque matin de heros et d'aventure; au bout de trois mois, quiconque
eut parle des conspirateurs dans un salon de Paris, eut ete regarde
comme un sot; si bien que, meme a la Bastille, le juge instructeur avait
fini par ne plus interroger les prisonniers que pour la forme. On leur
laissait deja toutes sortes de libertes inaccoutumees en ce lieu de
plaisance: ils se promenaient chaque jour au-dessus des tours, et leurs
amis qui passaient dans le faubourg leur disaient bonjour du geste et du
regard. Un peu plus tard, ces prisonniers, si nombreux d'abord, furent
relaches l'un apres l'autre: aujourd'hui M. de Malezieu le fils, M.
Bargeton le lendemain; plus tard encore, elle se rappelait qu'il y avait
deja six mois on etait venu chercher M. de Silly, et que l'ingrat
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