ur un banc et je
commencais a m'endormir, quand je fus eveille par des chuchotements
qui m'inquieterent; j'ouvris les yeux, et je vis quelques paysans qui
etaient entres et qui s'etaient groupes autour des femmes.
"Ou est-il?" demanda l'un d'eux a voix basse.
"La jeune femme me montra du doigt; les hommes s'approcherent et me
secouerent rudement en me demandant mon passeport.
"--De quel droit me demandez-vous mon passeport? lui repondis-je.
"Est-ce que l'un de vous est golova (tete, ancien)?
"--Non, nous sommes habitants du hameau.
"--Et comment osez-vous me deranger? Qui me dit quelles gens vous etes
et si vous n'etes pas des voleurs? Attendez, vous trouverez a qui
parler.
"--Nous sommes d'ici, et nous avons le droit de savoir qui nous logeons
chez nous.
"--Eh bien! je me nomme Dmitri Boganine, du gouvernement de Tobolsk, et
je vais a Bohotole pour avoir de l'ouvrage dans les etablissements du
gouvernement, et ce n'est pas la premiere fois que je traverse le pays."
"J'entrai alors dans les details que j'avais appris par l'etude
des cartes du pays et mes conversations avec les marchands
d'Ekaterininski-Zavod. Je finis enfin par leur montrer mon passeport,
qui n'etait autre chose que la passe que j'avais conservee.
"Aucun d'eux ne savait lire, mais la vue du cachet imperial leur suffit;
ils furent convaincus que j'avais un passeport en regle, et ils se
retirerent en me demandant humblement pardon de m'avoir derange.
"Mais nous sommes excusables, ami; on nous ordonne d'arreter les forcats
qui s'echappent.
"--Comment des forcats pourraient-ils se trouver si loin des pocelenie
(lieu de detention)?
"--Il s'en echappe quelquefois, et nous en avons arrete quelques-uns."
"Ils me quitterent, et j'achevai ma nuit tranquillement."
XX
VOYAGE PENIBLE, HEUREUSE FIN
"Le lendemain je pris conge des femmes et je continuai ma route, bien
decide a ne plus demander d'abri a aucun etre humain; j'avais encore
soixante-dix roubles; en couchant dans les bois, en n'achetant que le
pain strictement necessaire a ma subsistance, j'esperais pouvoir arriver
jusqu'a Vologda; il y a dans les environs de cette ville beaucoup de
fabriques de drap, de toile a voiles et des tanneries, ou je pouvais
trouver a gagner l'argent necessaire pour arriver a la fin de mon
voyage. Je marchai donc resolument, et Dieu seul sait ce que j'ai
souffert pendant ces quatre mois d'un rude hiver. Quelquefois je sentais
faiblir mon cou
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