er son gouvernail. Les
villes prises sont representees sous les traits de ces captives en pleurs.
L'Espagne, c'est le lion blesse; l'Allemagne, c'est cet aigle precipite
dans la poussiere.
Tout en regardant avec melancolie ces eblouissantes et fastueuses
peintures, je me rappelais ces paroles de Massillon: "Que nous reste-t-il
de ces grands noms qui ont autrefois joue un role si brillant dans
l'univers? On sait ce qu'ils ont ete pendant ce petit intervalle qu'a dure
leur eclat; mais qui sait ce qu'ils sont dans la region eternelle des
morts?"
L'esprit plein de ces pensees, je descendais l'escalier de marbre, cet
escalier au haut duquel Louis XIV attendait le grand Conde, qui, affaibli
par l'age et les blessures, ne montait que lentement:
"Mon cousin, lui dit le monarque, ne vous pressez pas. On ne peut pas
monter tres vite quand on est charge, comme vous, de tant de lauriers."
Le soir, je voulais encore revoir la statue du Grand Roi, dont le souvenir
m'avait si vivement impressionne pendant toute la duree du jour. La nuit
etait sereine. Sa beaute douce et recueillie contrastait doublement avec
les fureurs et les agitations des hommes. Son silence etait interrompu par
le bruit de l'artillerie fratricide, qui tonnait dans le lointain. C'est
en l'honneur de Louis XIV que les sentinelles semblaient monter la garde
sur cette place, ou il avait si souvent passe la revue de ses troupes. A
la lueur des etoiles, je contemplais la statue majestueuse de celui qui
fut plus qu'un roi. Sur son cheval colossal, il m'apparaissait comme la
personnification glorieuse du droit qu'on a qualifie de divin.
Republicaine ou monarchique, la France ne doit rien renier d'un tel passe.
L'histoire d'un pareil souverain ne saurait que lui inspirer des idees
hautes, des sentiments dignes d'elle et de lui. Il lutta jusqu'au bout
contre les puissances coalisees, et quand on prononcait en Europe ce mot
unique: le _roi_, chacun savait de quel monarque il s'agissait. Ah! cette
statue est bien l'image de l'homme habitue a vaincre, a dominer et a
regner, du potentat qui triomphait de la rebellion avec un regard mieux
que Richelieu avec la hache.
Laissons les coryphees de l'ecole revolutionnaire chercher en vain a
degrader ce bronze imperissable. La boue qu'ils voudraient jeter au
monument n'atteindra pas meme le piedestal. Dans cette nuit ou les canons
de la Commune repondaient a ceux du Mont-Valerien, la statue me semblait
plus imposante que ja
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