maison de
Paris auxquels je pensais comme a des absents, comme a des morts,
c'est-a-dire sans plus guere croire a leur existence, fit que, meme sans
que je m'en rendisse compte, sa forme reverberee se profila toujours sur
les moindres impressions que j'eus a Doncieres et, pour commencer par ce
matin-la, sur la bonne impression de chaleur que me donna le chocolat
prepare par l'ordonnance de Saint-Loup dans cette chambre confortable
qui avait l'air d'un centre optique pour regarder la colline (l'idee de
faire autre chose que la regarder et de s'y promener etant rendue
impossible par ce meme brouillard qu'il y avait). Imbibant la forme de
la colline, associe au gout du chocolat et a toute la trame de mes
pensees d'alors, ce brouillard, sans que je pensasse le moins du monde a
lui, vint mouiller toutes mes pensees de ce temps-la, comme tel or
inalterable et massif etait reste allie a mes impressions de Balbec, ou
comme la presence voisine des escaliers exterieurs de gres noiratre
donnait quelque grisaille a mes impressions de Combray. Il ne persista
d'ailleurs pas tard dans la matinee, le soleil commenca par user
inutilement contre lui quelques fleches qui le passementerent de
brillants puis en eurent raison. La colline put offrir sa croupe grise
aux rayons qui, une heure plus tard, quand je descendis dans la ville,
donnaient aux rouges des feuilles d'arbres, aux rouges et aux bleus des
affiches electorales posees sur les murs une exaltation qui me soulevait
moi-meme et me faisait battre, en chantant, les paves sur lesquels je me
retenais pour ne pas bondir de joie.
Mais, des le second jour, il me fallut aller coucher a l'hotel. Et je
savais d'avance que fatalement j'allais y trouver la tristesse. Elle
etait comme un arome irrespirable que depuis ma naissance exhalait pour
moi toute chambre nouvelle, c'est-a-dire toute chambre: dans celle que
j'habitais d'ordinaire, je n'etais pas present, ma pensee restait
ailleurs et a sa place envoyait seulement l'habitude. Mais je ne pouvais
charger cette servante moins sensible de s'occuper de mes affaires dans
un pays nouveau, ou je la precedais, ou j'arrivais seul, ou il me
fallait faire entrer en contact avec les choses ce "Moi" que je ne
retrouvais qu'a des annees d'intervalles, mais toujours le meme, n'ayant
pas grandi depuis Combray, depuis ma premiere arrivee a Balbec,
pleurant, sans pouvoir etre console, sur le coin d'une malle defaite.
Or, je m'etais trompe. Je n'eus pas l
|