s
les etrangers vont l'admirer avant diner."
Pour toute reponse, je soupirai.
"Excellence, ajouta la digne Palomba, que sans doute je genais dans ses
preparatifs culinaires, vous n'avez pas visite la route nouvelle qui
conduit a Salerne? Il y a une vue magnifique sur la mer et les iles.
--Helas! pensai-je, c'est ce matin et en voiture qu'il fallait prendre
cette route! et je ne repondis pas.
--Excellence, dit d'une voix tres forte la patronne, tres decidee a se
debarrasser de moi, le marche se tient aujourd'hui. Beau spectacle,
beaux costumes! Et des marchandes qui ont la langue si bien pendue; et
des oranges! on en a douze pour un carlin!"
Peine perdue; je ne me serais pas leve pour la reine de Naples en
personne!
"He donc! s'ecria l'hotesse, a qui la patience echappait; vous voila
plus endormi que Perlino quand il buvait son or potable.
--Perlino de qui? Perlino de quoi? murmurai-je en ouvrant un oeil
languissant.
--Quel Perlino? reprit Palomba. Y en a-t-il deux dans l'histoire? et
quand on ne trouverait pas ici un enfant de quatre ans qui ne connut ses
aventures, est-ce un homme aussi instruit que Votre Excellence qui peut
les ignorer?
--Faites comme si je ne savais rien, contez-moi l'histoire de Perlino,
excellente Palomba; je vous ecoute avec le plus vif interet."
La bonne femme commenca, avec la gravite d'une matrone romaine.
L'histoire etait belle; peut-etre la chronologie laissait-elle un peu a
desirer; mais, dans ce recit touchant, la sage Palomba faisait preuve
d'une si parfaite connaissance des choses et des hommes, que peu a peu
je levai la tete et, fixant les yeux sur celle qui ne me regardait plus,
j'ecoutai avec attention ce qui suit.
II
VIOLETTE
Si l'on en croyait nos anciens, Paestum n'aurait pas toujours ete ce
qu'il est aujourd'hui. Il n'y a maintenant, disent les pecheurs, que
trois vieilles ruines ou l'on ne trouve que la fievre, des buffles et
des Anglais; autrefois c'etait une grande ville, habitee par un peuple
nombreux. Il y a bien longtemps de cela, comme qui dirait au siecle des
patriarches, quand tout le pays etait aux mains des paiens grecs, que
d'autres nomment Sarrasins.
En ce temps-la, il y avait a Paestum un marchand bon comme le pain, doux
comme le miel, riche comme la mer. On l'appelait Cecco; il etait veuf,
et n'avait qu'une fille qu'il aimait comme son oeil droit, Violette,
c'etait le nom de cette enfant cherie, etait blanche comme du lait et
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